Fourmis et Scarabée - Pv Hogo Akumi

Mizu no kuni. Pays de l’eau.

Trois ans d’errance. Non. Trois ans initiatiques à rechercher la réponse à ma quête. Le feu purificateur avait mainte fois réalisé son office comme pour ce temple de moines il y a quelques jours de cela. Pour autant, si les attentes de Jashin étaient accomplies dans le carnage brûlant d’un brasier monial, pour ma part, il ne m’était pas possible d’en rester là, d’en rester ainsi. Le Grand Œuvre nécessitait que Chaos et Carnage deviennent mes amantes et m’accompagnent. Pour autant, en cet instant présent, je n’avais nulle amante, juste quelques amourettes pour m’aider dans mon fardeau légitime.

Si l’objectif était clair, si mon prêche était vrai, les moyens et outils mis à ma disposition étaient encore limités. Certains au sein du culte dirais que le don que m’a accordé le Maître était déjà une offrande généreuse de sa part, mais pour autant, ces mêmes fidèles n’avaient aucune idée de la réalité des chose et de la réalité du monde. Vivre au sein de nos temples était à la fois légitime pour un fidèle, mais aussi une récompense. Mais les élus, les vrais, les prophètes comme moi, nous sommes ceux qui portons Sa voix à travers les contrées et ceux qui portons Sa volonté à travers le monde.

Ces trois années me donnèrent à réfléchir. Même nos hauts prêtres s’égaraient sur la manière de faire. Trop peu d’entre eux cherchaient réellement à satisfair pleinement Jashin, se contenant d’offrandes régulières. Mais les grandes ambitions nécessitaient nécessairement de grands moyens. En trois années, j’avais eu le temps de réfléchir. Notre Bible était un élément important de notre fois, mais aussi une source de pouvoir inexploitée. Il était fait mention de l’immortalité, du don de la vie éternelle. L’emprise de la Mort n’étant plus un fardeau, ce don permettait ainsi l’expansion du carnage. Mais ce n’était pas le seul possible. J’avais étudié des légendes. J’avais écouté des histoires. J’avais entendu des rumeurs. Et dans tout cela, quelles étaient les parts de vérités et d’affabulation.

Le pays du Vent, le pays de l’Eau, le pays de la Terre, des Nuages et du Feu. Autant de nations pour autant de secrets et de possibilités. Les expériences devaient être nombreuses et les possibilités immenses. Les explorer prendrait du temps, mais Sa volonté ne souffrait d’aucune retenue. Le pouvoir amené à son don et pour se voir offrir le don, le pouvoir était nécessaire. Un cercle vicieux et vertueux. Une dualité pleine de souffrance m’attendait. Rien de nouveau pour le fidèle que j’étais, amené à vivre dans le sang.

Toutes ces pensées m’avaient fatigué. Ou était-ce mon voyage peut-être. Un repos s’imposait et une petite halte de voyageur, cabane typique sur les routes offrant thé et dangos se présentait à moi. Nul autre vertueux que moi et l’infidèle gérant. Les serviteurs font leur office et collation fut servie. Assis sur un vieux banc usé en bois placé sous un arbre, je regardais à mes pieds une colonie fourmilière, une escouade insectoïde lutter contre l’ennemi scarabée. David contre Goliath. Seulement David était parfois Goliath et Goliath parfois David. Dans la mort, la victoire n’était jamais assurée, pour la Mort, la victoire était toujours sienne.

Les remparts de Kirigakure no Sato étaient bien loin maintenant, et il ne restait autour de la jeune Iryojin que la sinistre brume de ce maudit pays de l’eau. Pour Akumi, c’était presque comme un retour en arrière de dix ans. Séparée de son maître par la mort, bannie de son village par ses actes, elle n’était à présent plus qu’une ombre errant dans la brume, comme elle l’avait été autrefois, petite fille errant dans les rues délavées des quartiers sombres du village cachée du pays de l’eau. Elle errait à nouveau, mais cette fois, il y avait quelque chose de différent, car elle arborait sur ses douces lèvres un sourire. Un sourire de satisfaction, car malgré les récents événements quelque peu compliqués de sa vie, elle avait à présent un but et des objectifs, des objectifs qu’elle comptait bien réaliser.

La mort, la résurrection, l’immortalité. Autant de secrets de ce monde qu’Akumi s’était faite un devoir de percer. Pour elle, son chemin était tout tracé, elle serait la première à déceler le secret de la mort et à le briser, la première à ramener les esprits des morts à la vie et à devenir immortelle. Elle serait la première à vaincre la Mort elle-même. Ah, la mort. Quel fascinant personnage, quelle sublime déesse. La jeune médecin s’arrêta quelques temps et laissa la douce brise du pays lui caresser les joues et faire s’envoler sa longue chevelure blonde. Devant elle s’étendait le monde, un monde d’infinies possibilités, un monde sans aucune limite, un monde de liberté absolu. Mais où allait ? Que faire maintenant? Comment atteindre cet objectif lointain, comment satisfaire les rêves profonds de son défunt maître? A présent, la Kunoichi était libre, plus libre que jamais, libre comme elle l’avait toujours voulu, mais c’est dans cette liberté totale qu’elle se sentit perdue. Que faire maintenant, sans indications ?

Non, elle n’était pas sans indication. Pas tout à fait, tout du moins. Elle avait un indice, un murmure, un signe qui lui donnait une direction, mais pas une finalité. Suna, le village caché du sable, le bastion au coeur du désert. Le désert, là même où la mort étend son territoire, là où seuls les forts survivent. Serait-ce cela que son maître avait voulu lui dire ? Lui demandait-il d’aller affronter la mort en face dans le désert ? Non, impossible, il y avait quelque chose de plus profond dans les dernières paroles de Hisan, quelque chose de cacher que la Kunoichi devait découvrir par elle-même.

C’est en se dirigeant vers les frontières du pays de l’eau que la Kunoichi repéra une petite cabane qui pourrait lui servir de lieu de halte. La jeune Hogo s’approcha donc et se fit servir une simple tasse de thé, juste de quoi la détendre un peu pour prendre du repos. Après tout, la route avait déjà été longue depuis le village de Kiri. Quelle ne fut pas alors la surprise de Akumi quand, voulant s’asseoir sous un arbre pour être isolée, elle vit un étrange homme squelettique aux yeux rouges et à la peau pâle. Le symbole qu’il portait autour du cou et qu’il arborait sur son front ne laissait aucun doute possible : c’était un Jashiniste. La Nukenin, faux dans le dos, s’approcha calmement du Jashiniste et s’inclina devant lui les mains jointes avant de se relever.

« -Gloire à Jashin le tout-puissant. »

Elle s’assit ensuite à côté de lui.

« Jamais je n’avais vu auparavant un des tiens porter ce symbole sur son front. Le grand dieu du massacre t’aurait-il d’une quelconque manière béni ? »

La brise de saison fit virevolter ma toison de jais. La douceur du vent vint caresser mes joues et m’offrir une certaine sérénité que je n’attendais pas. Finalement, cette pause dans un lieu si reculé et si isolé de la civilisation n’était pas qu’une pure perte de temps. Au final, le temps n’était que relatif et toute chose pouvait devenir intéressant pour peu que l’on s’y intéresse. De fait, à partir de ce même raisonnement, tout pouvait servir à Son grand dessein. Il suffisait d’ouvrir les yeux et d’accepter la réalité des choses et du monde.

Buvant une gorgée chaude de ce thé fumant, une silhouette se détacha au loin du chemin, une silhouette floue à travers les volutes de vapeur chaude de ma boisson. Il s’agissait d’une jeune femme. Blonde. Elle devait être jolie. Du moins, c’est ce que je me suis dit en la voyant approcher. Jolie pour celui qui saurait apprécier sa chair. Pour ma part, nul désir. Jamais. Ma vie était vouée au culte, ma vie à mon œuvre et mon âme à Lui. Nulle place pour s’attacher à quiconque. Telle est la réalité de ceux prônant la voie.

Étrangement, l’inconnue s’installa à proximité de moi, partageant ainsi un espace privé, brisant une certaine zone de confort alors que la place ne manquait nullement. D’autant plus étrange qu’en général mon apparence avait tendance à rebuter plutôt qu’à attirer les gens. Preuve encore, en était de ce paysan qui m’avait servi, stoppant sa marche en me voyant avant de reprendre son office d’un œil inquiet. Encore plus étrange lorsque l’intrus dérangea ma quiétude en engageant la conversation.

Quel est donc le niveau de surprise au-dessus de ce que l’on pourrait qualifier « d’encore plus étrange » ? Inconcevable peut-être ? Pourtant, l’impossible était toujours possible et une nouvelle leçon m’était donnée. Sa volonté et Ses désirs étaient partout et m’accompagnaient jour après jour. Quelle surprise donc d’entendre une louange à Jashin dans un lieu si reculé de la part d’une jeune femme qui ne ressemblait en rien aux fidèles que j’ai côtoyé des années durant.

« Gloire à Jashin. » répondis-je d’une voix calme et posée, juste avant de boire une seconde gorgée et sans pour autant tourner mon regard vers la blonde à mes côtés, mon attention toujours portée sur le combat insectoïde qui se déroulait à mes pieds.

« Il est surprenant de croiser quelqu’un sachant reconnaître ce symbole, surprenant que quelqu’un de si jeune, qui n’ait pas reçu Sa bénédiction en sache autant, mais aussi étrange que ce lieu perdu et reculé t’ai mené à moi. »

De mes yeux sans pupilles, offrant un regard uni d’une sclérotique noire aux reflets rouge sang, je me tournais vers la jeune fille et plongeais cette vision des abimes dans les prunelles de la voyageuse.

« Si Lui sait qui tu es, il n’en est rien de moi. Si Lui connaît tes desseins, il n’en est rien de moi. Si Lui sait pourquoi tu es là, il n’en est rien de moi. Raconte-moi donc ton histoire et je serais seul juge de ton mérite quant aux réponses que tu cherches à entrevoir me concernant. »

Ramassant dans mon assiette posée à côté de moi une brochette de poulet grillé au feu de bois, recouvert d’une sirupeuse sauce teriyaki, j’en dégustais une bouchée tranquillement avant d’inviter l’inconnue à la suite.

« Si tes paroles sont sang et non miel à mes oreilles, prouve-moi avant tout que Celui que tu nommes Dieu du Massacre n’est pas à tes yeux qu’un artifice. »

Une nouvelle gorgée de thé ponctuait la fin de mon intervention dans un bruit d’aspiration si particulier, évitant ainsi de me brûler inutilement la langue.

Quel étrange hasard, quelle heureuse coïncidence pour Akumi de rencontrer à ces lieux, et surtout si vite après son départ de Kiri, un des adeptes de Jashin. Pour elle qui en son coeur voue un tel respect au dieu du massacre et de la mort, rencontrer un Jashiniste revenait presque à retrouver un visage familier dans sa solitude. Mais celui-là était différent de son maître, il était même différent de tous ceux qu’avait décrit son défunt Sensei. Il semblait plus proche de la mort, plus proche de son dieu que n’importe lequel des autres adeptes du culte. Son teint livide et son aspect squelettique attisa la curiosité de la jeune Hogo : et si ce type, ressemblant presque à un spectre ramené à la vie, pouvait l’aider à comprendre les secrets de la mort ? Et si quelques recherches sur son corps, ou même simplement le côtoyer, pouvait aider la jeune savante à déceler le secret de l’immortalité ? C’était une éventualité à ne pas négliger, il fallait donc qu’elle fasse en sorte d’être un minimum appréciée de l’étrange personnage. Rien de difficile, puisque son amour de Jashin était bien réel.

L’individu sembla étonné quand la jeune femme vint s’asseoir à côté de lui. En même temps, son aspect morbide ne devait pas lui valoir beaucoup d’attention de la part des autres, ou tout du moins, pas de bonnes intentions. Il répondit à la Hogo avec la même salutation de gloire à Jashin habituelle, et ne détourna même pas le regard vers elle. Elle retrouvait bien là un trait de caractère de son maître, l’indifférence envers ceux qui ne pratiquent pas le culte. La jeune femme sourit, cette rencontre s’annonçait vraiment intéressante. A son tour, elle but une petite gorgée de son thé fumant et se délecta des paroles du disciple du sang. La jeune femme n’avait pas l’habitude d’avoir beaucoup de contact social, et en général, elle n’aimait pas trop les gens, mais ce type l’a, elle commençait déjà à l’apprécier. Enfin, cela était surtout du au fait qu’il l’intéressait grandement et qu’il pourrait, à l’avenir, lui être d’une grande aide.

« - C’est vrai, je n’ai pas reçu la bénédiction de ton dieu, mais je ne le respecte pas moins pour autant. »

Une étrange chaleur s’empara du corps de la savante quand le Jashiniste plongea son regard dans le sien. Une douce chaleur. Elle voyait dans ses yeux rouges dénués de pupilles le reflet de son défunt Sensei, celui qu’elle avait tant admiré, mais plus encire que cela, elle voyait dans ce regard la mort. Une vie entière de servitude sous le joug de la mort, ce type semblait entièrement dévoué au dieu du massacre, et cela plaisait à la Kunoichi.

« -Mon histoire ? Hum. Commençons par nos noms, Jashiniste. Je suis Akumi. Hogo Akumi. Et toi, quel est ton nom, serviteur du sang? »

La jeune femme souriait toujours, elle était confiante. Jashin avait peut-être guidé ses pas jusqu’à cet homme, ou simplement le destin l’avait-il fait, mais elle tirerait sans nul doute quelque chose de très intéressant de cette entrevue.

« -Je suis une savante, une chercheuse, et j’ai décidé de défier la mort. Si j’en sais autant sur ton dieu, c’est que mon maître, celui qui m’a tout apprit, en était lui aussi un fidèle serviteur. Il m’a apprit à respecter ton dieu et à l’honorer comme il se doit. J’ai un grand respect pour lui, et je suis sûr qu’il m’aidera à déceler les secrets de la mort. N’as-tu jamais rêvé de goûter à l’immortalité? »

La Kunoichi plongea son regard dans le triangle inversé dessiné sur le front du mystérieux personnage, et son sourire se fit plus grand. D’un coup, elle s’empara de sa faux et se coupa le bras gauche au niveau de ses sutures. Son sang coula noir sur le sol.

« -Gloire à Jashin. »

Une non-initiée. Ce n’était pas une tare en soit. Cela voulait seulement dire aux yeux du fidèle que j’étais qu’elle n’avait pas encore su faire ses preuves. Elle avait donc reçu une partie de Ses enseignements. Elle connaissait Son but, elle savait Le reconnaître, mais elle n’avait pas encore reçu Sa bénédiction. Pour autant, cela ne voulait pas dire que la Mort ne veillait pas sur elle. Tout au contraire. Si ses pas l’avaient menée à moi, c’est qu’Il en avait décidé ainsi et qu’Il y trouvait un intérêt. Je ne pouvais renier Sa volonté, en revanche, je me devais de comprendre Sa motivation. Sans la remettre en question, afin d’appréhender efficacement et durablement la tâche qui m’était ainsi confiée, je devais savoir. Le savoir, c’est le pouvoir et ces simples mots s’appliquaient à toutes choses de ce monde.

L’écouter me confirma qu’elle n’était pas des nôtres, pas encore du moins. Si son histoire s’avérait vraie, alors il était de mon devoir de faire d’elle un membre à part entière du culte. Mais pour cela, le travail serait long. Son investissement devrait être total et sa fidélité envers Lui sans failles.

« Le respect est une chose. L’allégeance et le dévouement total en sont une autre. De quel côté de la barrière es-tu ? »

Encore des questions, toujours des questions. Le savoir nécessite le questionnement et ses réponses m’apportent une première vision des choses. Pour autant, tout est trop parcellaire, tout est trop flou pour comprendre ce qui Le pousse à la guider vers moi. La laissant parler, écoutant chaque mot, interprétant chaque intonation, je disséquais son discours pour en extraire la substance spirituelle dont j’avais besoin. Hogo Akumi. Hogo. Ce clan ne m’était pas inconnu. Au sein du culte, quelques Hogo étaient présents et comme cette femme, la recherche de l’immortalité était un de leur grand projet.

La fin de son intervention me laissa de marbre. Se trancher le bras en guise de dévotion n’était à mes yeux rien de plus que dire que l’on aimait l’art tout en pissant sur une toile blanche pour en faire un tableau. Nulle preuve à mes yeux et cela me contrariait. Soufflant d’un air las, je posais ma tasse à moitié pleine à côté de mon assiette contenant la moitié de ma brochette. Tout en me levant du banc de bois défraîchis je me levais et ramasser le bras fraîchement et impeccablement coupé tout en me rapprochant de mon interlocutrice, mon visage à quelques centimètres du sien.

« Tu es une Hogo, ton offrande n’a aucune valeur. Je connais les secrets de ton sang, et ta tromperie ne saurait me satisfaire, et surtout ne saurait Le satisfaire. Ton choix est mauvais. Ton maître ne t’a donc rien appris ? »

Laissant la demoiselle en lui laissant tomber le morceau de chair sur les genoux, je quittais sa présence quelques instants pour me rendre dans la cabane. Quelques secondes me suffirent à trouver l’objet de mon irruption et à sortir de sa cuisine le paysan qui préparait quelques dangos et un peu de thé en plus. Attrapé par le col de son kimono, l’homme aux sandales de pailles ne pouvait qu’avancer face à la force qui était appliquée sur son cou, l’obligeant ainsi à se retrouver devant la blonde et à s’agenouiller devant elle.

D’un regard vindicatif, ou que l’on devinait facilement comme tel en l’absence de pupilles, des nouvelles paroles calmes, mais d’un ton glacial sortirent de ma bouche.

« Toi Akumi, toi qui prétends en connaître autant, toi qui as reçu l’enseignement de ton maître dont tu tais le nom, toi qui prétends vouloir L’honorer, toi qui prétends à Sa gloire, agit donc comme un vrai fidèle le ferait. »

Lâchant l’homme apeuré, celui-ci resta prostré, ne comprenant ce qui se passait jusqu’au moment où je reprenais la parole, m’adressant à l’usurpatrice qu’elle semblait être.

« Tue-le. »

Une fois encore, le ton était glacial. Aucune colère. Aucun sourire. Aucune compassion.

Le sang coulait noir du bras tranché de la jeune femme. C’était un sang impur, une impureté noire qui résultait des nombreuses expériences et opérations qui avaient été opérées sur le corps de la Kunoichi alors qu’elle n’était encore qu’une gamine. Pourtant, la douleur ne semblait pas insupportable, et aucune once de peur ne déformait le visage de la jeune médecine. Au contraire, elle arborait un grand sourire. Nulle fierté, aucune vantardise, simplement un sourire sans émotion, presque vide, comme si cela était normale pour la jeune Hogo de perdre un membre. Enfin, en faite, pour elle, ça l’était, normal. Elle regarda le Jashiniste et comprit à l’expression de son visage que son offrande ne lui avait pas plu. Elle le savait et s’en doutait avant de se trancher le bras, mais Akumi avait cette manie de faire les choses dans le sang, et même si l’offrande ne plaisait pas au Jashiniste, cela permettrait à la Hogo de voir de quel bois il se chauffait. L’indifférence. Voilà tout ce qu’elle obtint, et c’est exactement ce qu’elle recherchait.

Écoutant les paroles du prêtre de la Mort avec plaisir, elle sentit son souffle morbide quand il passa son visage près du sien et se délecta du goût sinistre qu’il dégageait. Cet homme connaissait les secrets du clan de Akumi, et cela amusa grandement cette dernière. Ainsi, il avait connaissance de ses talents cachés, ce n’en était que plus intéressant. Elle caressa doucement le bras que le Jashiniste déposa sur ses genoux, puis décida de le rattacher. Une dizaine de fils noirs sortirent de sa plaie béante pour venir se rattacher au bras coupé, le ramenant à sa place initiale. Une fois le bras en place, les fils noirs se brodèrent tout autour en petites sutures pour que le bras ne tombe plus, en tout cas pas de lui-même. Akumi observa tout le processus, trouvant cela toujours aussi fascinant malgré le nombre de fois qu’elle avait vu et fait cela.

« -Excuse-moi, mon maître m’aurait sûrement durement réprimandé s’il avait vu cela, mais je ne peux m’empêcher de m’amuser dans le sang. Tu as raison, c’était de mauvais goût, je n’aurais pas dû. Loin de moi l’idée d’irriter le grand Jashin. »

Le Jashiniste se leva et quitta alors l’endroit. Un rictus malin s’afficha alors sur le visage de la Hogo : elle avait réussi à attirer l’attention du squelette, et plus encore que cela elle avait réussi à attirer son attention en l’irritant. Quand la Kunoichi vit revenir son interlocuteur avec le paysan du bar traîné par le col, elle comprit immédiatement ce que voulait le Jashiniste et en fut d’autant plus satisfaite. Il était à présent tant pour elle de cesser la rigolade et de montrer à l’adepte du sang qui elle était vraiment.

« -Laisse-moi m’excuser pour tout à l’heure, honorable serviteur du Puissant. J’honorai Jashin, et j’honorai mon défunt maître Hisan, celui qui m’a tout appris »

Il lâcha l’homme qui se retrouva à genoux face à la Kunoichi, apeuré et ne comprenant absolument rien de ce qui lui arrivait. Akumi arborait toujours ce rictus malin sur ses lèvres, et n’attendait que le signal de son mystérieux interlocuteur pour passer à l’acte. Quand les mots furent prononcés, ils résonnèrent dans l’esprit de la jeune femme comme un appel, une invitation, une missive. Tue-le, tue-le, tue-le. Les mots résonnaient, éveillant dans les yeux de la jeune femme une once de folie, sa vraie nature. Empoignant sa faux de toute ses forces, elle s’apprêta à trancher la tête du paysan mais s’arrêta net juste avant que la lame de la faux ne l’atteigne. Le paysan avait les yeux fermés, le visage déformé par la peur.

« -Oh, pardon, ça serait L’injurier que d’en finir ainsi »

S’emparant d’un Kunai dans sa poche, la Kunoichi l’enfonça dans la cuisse droite du paysan si profondément qu’il hurla de douleur. Le sang coula doucement en filer, et le regard de Kunoichi se fit plus vide encore, fasciné par ce rouge écarlate. Elle retira ensuite le Kunai et le planta dans l'autre jambe du paysan.
« -Je me délecte de ce spectacle, adepte du sang, mais finissons-en tu veux ? »

Elle s’empara de sa faux et, d’un mouvement d’une rapidité déconcertante, fit se détacher du reste de son corps la tête du paysan. Elle tomba au sol et roula jusqu’à elle. Attrapant ses cheveux, elle souleva la tête et la regarda dans les yeux.

« -Une offrande. Gloire à Jashin. Cela te convient-il ?»

La jeune femme regarda encore la tête pendant quelques instants, laissant un flot de sang se déverser sur ses jambes, se délectant de la chaleur du liquide rouge, appréciant avec un grand plaisir la vue de la mort devant elle. Pour Akumi, c’était presque jouissif, le plaisir ultime. Sortant de sa transe sanglante, elle se tourna vers son interlocuteur, toujours la tête en main.

« -Mon maître Hisan ne m’a apprit que les rudiments de votre religion et ses objectifs, mais pas plus. J’aimerai beaucoup que tu m’enseigne les rites et les secrets du culte, car Jashin est pour moi un maître spirituel. »

Qu’allait donc répondre l’adepte du massacre à cela ?

La femme n’était pas réellement ce que je pensais être. Elle avait certes suivi une partie de Ses enseignements, pour autant, elle était encore loin d’en maîtriser tous les codes. Que lui avait donc apprit celui qu’elle identifiait comme son maître ? Pourquoi la laisser agir avec tant de légèreté et d’arrogance quand il s’agissait de Sa volonté ? Que pouvait-elle rechercher réellement ? Pouvait-elle seulement Lui devenir une fidèle dévouée ? N’était-elle pas en train de jauger de la situation et de tirer profit de ses connaissances au détriment de ce que le culte pourrait lui apporter ? Difficile à dire dans de telles conditions. Pour autant, elle était là, un Hogo et son sang parlait pour elle. Si Il l’avait placé sur ma route, peu-importe qui elle pouvait être et pourquoi elle agissait ainsi, Il avait décidé que c’était la chose à faire, alors c’est la chose que je ferais. Sa force pourrait m’être utile, sa force Lui serait utile à n’en pas douter.

Alors que je mettais en scène l’exécution du protagoniste de notre saynète, j’écoutais avec attention chacune des paroles de la blonde, m’abreuvant de ses mots, en tirant la substantive moelle dans un silence des plus religieux jusqu’à que le silence s’installe entre nous. Un silence de mort, un silence seulement entrecoupé de léger clapotis aortiques d’un cœur chaud encore palpitant qui expulsa par saccade cette chaleur sanguinolente par éjaculas morbides, chacun d’entre eux plus petit et mois puissant que le précédent jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un cacochyme morceau cadavérique.

Prenant doucement la tête révulsée des mains de son exécutrice, d’un pas lent et assuré, je la déposais au centre de la cabane avant d’y tirer le cadavre laissant une longue traînée sanguinolente agglutinée dans la poussière. Les mains pleines de sang, je revenais avec la théière qui avait eut le temps de bouillir sur son four de pierre. Servant la blonde avant de remplir à nouveau ma tasse, je posais le pot de porcelaine sur le banc usé à côté de ma demi-brochette entamée. Attrapant un tabouret adossé à côté de l’entrée du palace de bois, sûrement trône du défunt roi des lieux, je m’asseyais à quelques pas de la tueuse, plongeant mon regard d’obsidienne dans celui qu’elle m’offrait.

« Tu es une bête, une bête assoiffée de sang. Tu hurles Son nom non pas en signe de fidélité mais pour justifier de tes actes. Tes quelques connaissances de ce que nous sommes te donne l’illusion que tu nous comprends. Il n’en est rien. »

Croisant mes doigts décharnés, posant mes coudes sur mes genoux osseux, je me penchais d’avantage.

« Pour autant, si Il t’a mené vers moi, c’est qu’Il entrevoit ton potentiel. Je suis le prophète, je suis celui qui prêche Sa foi. Hisan n’était pas ton maître. Hisan n’était qu’un rouage d’un grand projet, de Son grand projet. Il était un rouage nécessaire et aujourd’hui sa fidélité a été récompensée. Tu n’as qu’un seul et unique maître en ce monde et il s’agit de Lui. Tu ne peux vénérer nul autre que Lui car seul Lui restera à la fin car Il est la fin. La Mort n’a ni début ni fin, elle n’a que pour but d’exister et de faire toutes choses sienne. »

Me tournant légèrement sur le côté, faisant face à mon ancienne place, j’adressais quelques mots à l’Hogo, une nouvelle fois sans la regarder.

« Si c’est Sa volonté, alors il en sera ainsi. Je ferai de toi l’une de Ses fidèle si tu le désires réellement. Mais sache que Sa volonté est immuable. Nous aurons tout le temps de discuter tous les deux, ce n’est pas ce qu’il nous manquera. En attendant, j’ai deux questions pour toi. J’attends une réponse pleine de clarté de ta part. »

Tout en traçant un sillon circulaire dans la terre, entourant le combat insectoïde entre les fourmis et le scarabée qui perdurait toujours, le premier des deux questionnements sorti d’entre mes lèvres émaciées.

« Vois ce combat à mort entre les uns et l’autre. Dis moi qui sera le vainqueur et pourquoi. »

Puis me levant, je lui signifiais rapidement d’ôter le haut de ses habits sans sourciller particulièrement devant les courbes qu’elle avait à offrir. Ma vie Lui était dévouée et nul stupre ne saurait me dévier de mes croyances.

« Et acceptes-tu de recevoir mon sceau ? »

Le sang, du sang partout. La Kunoichi s’extasiait de la scène, et ses yeux révélaient une folie si profonde qu’elle aurait effrayé quiconque aurait alors croisé son regard, mais pas le Jashiniste. Il semblait indifférent à la transe sanglante de la jeune femme. Une folie qu’elle avait développé suite à ses nombreuses et douloureuses opérations dont elle avait finit par apprécier la douleur. Peut-être par traumatisme. Peut-être juste pour se protéger. Toutefois, si l’amour du sang était bien présent chez la jeune savante, elle savait ce contrôler et n’était pas inconsciente. Voyant que son interlocuteur ne s’exaltait pas de la situation, et ne s’en étonnant pas vraiment à vrai dire, la jeune femme décida de se calmer un peu et rigola d’un air plein de douceur. Le calme après la tempête.

La tête lui fut prise des mains par le squelettique personnage, et la Kunoichi relâcha ses bras. Il était temps pour elle de se calmer un peu, et de revenir à la normal. Il était temps pour elle d’envisager le futur avec ce mystérieux personnage. Le voyant partir avec le cadavre du défunt paysan, Akumi reprit ses esprits et but la dernière gorgée de son thé devenu presque froid. La situation devenait de plus en plus intéressante, et elle sentait que son interlocuteur avait beaucoup plus à lui offrir qu’elle le pensait en premier lieu. Elle accepta ensuite avec plaisir la nouvelle tasse chaude de thé que lui offrit son interlocuteur et en but une première gorgée. Il était encore fumant et lui brûla un peu la langue, mais aucune importance pour la jeune Hogo. Écoutant le Jashiniste parla, elle s’extasia de son regard plongé dans le sien. Aucune once d’amour, ce n’était pas là le genre de la maison, mais le regard de ceux qui sont animés par la mort fascinait la jeune femme. Comment ne pas se délecter de tant de chaos réunit dans deux petites orbes rouges à l’éclat si morbide ? Souriant avec malice, elle répondit au Jashiniste.

« -Tu as raison, je suis une bête, mais nous en avons tous une au fond de nous mon cher, j’ai seulement laissé la mienne s’emparer de moi. Je ne prétends nullement vous comprendre, seulement apprécier votre art . »

Elle savoura à nouveau une petite gorgée de thé bien chaud. La fumée de la boisson s’envola dans les airs pour venir caresser les cheveux pourpres du serviteur de la mort, accompagnant ses paroles sanglantes. Lorsqu’elle entendit prononcé le nom de son défunt maître, elle serra dans sa main sa tasse, et du se contrôler pour ne pas qu’elle tombe en éclat. Son sourire se fit moins grand, et ses muscles s’irritèrent. Nul n’avait le droit de blasphémer le nom de Hisan, mais l’heure n’était pas aux actions non-réfléchies, ni aux paroles belliqueuses. Elle reprit alors avec un ton pleins de douceur.

« -Tu ne devrais pas parler avec tant d’assurance de celui que tu ne connais pas, prophète. Pour autant j’admire ta dévotion envers Lui, j’aimerais être capable d’en faire autant. Tu dois être particulier, spécial, extraordinaire, pour qu’Il te choisisse comme prophète. »

A présent, la jeune Hogo n’avait plus le droit à l’erreur. Elle tenait entre ses mains l’homme qui allait pouvoir l’aider à arriver à ses ultimes fins, et pourquoi pas le libérer de sa solitude ? Non, voyons, ce n’était pas sérieux. Ni Akumi, ni le prophète n’étaient du genre à se lier d’amitié avec qui que ce soit. Le pouvoir, la destruction, les objectifs personnels, voilà tout ce qui comptaient.

« -Alors poses tes questions, prophète. »

La scène de la savante folle et du Jashiniste discutant ensemble prit un air plus étrange et prophétique encore quand le squelettique personnage entoura d’un rond le combat entre une horde de fourmis et un colossale scarabée. Colossale à l’échelle des fourmis qui le combattaient.

« - Tu me demandes qui de la horde ou du géant vaincra, alors. Les fourmis triompheront. Elles triompheront parce qu’elles sont une armée, et parce qu’elles sont ordonnées. Il n’y pas de chaos sans ordre. Comme il n’y a pas d’ordre sans chaos. Le géant est puissant, mais il est seul et n’a aucune stratégie. Les fourmis sont plusieurs, et elles peuvent être légions. De plus, elles savent obéir à leur reine, et savent comment agir. Elles seront triomphantes, j’en suis sûr. »

La jeune femme écarquilla légèrement les yeux quand son interlocuteur lui demanda de retirer le haut de ses vêtements, mais un sourire amusé prit vite la place de l’étonnement sur le visage de la Hogo. Après tout, qu’avait-elle à perdre ? Elle s’exécuta alors, retirant le haut de ses vêtements pour dévoiler des courbes si splendides qu’elles auraient fait frémir de désir n’importe quel personne y posant son regard. Pas le Jashiniste, apparemment. Elle passa délicatement ses mains sur sa poitrine généreuse, laissant la courbe voluptueuse de ses seins absorber le regard de son interlocuteur, la douceur de sa peau se faire désirer. Mais, comme elle s’en doutait, pas une once de désir chez le prophète.

« -Vas-y prophète, appose ton sceau. »

A moitié nue, la Hogo libérait son intimité, mais elle n’en avait que faire. Ce corps, aussi beau soit-il, aussi chaleureuses soient ses douces courbes, aussi attirante soit sa poitrine aux milles délices, aussi désiré soit la finesse de sa peau, elle n’en avait que faire. Ce n’était qu’un instrument, un instrument pour arriver à ses fins, et si de corps elle devait changer, elle le ferait sans hésitation. Il était à présent temps de voir de quoi relevait ce sceau maudit, de voir de quelle puissance maléfique était capable de faire preuve le prophète de Jashin.

Seules mes questions avaient de l’importance. Mes paroles précédentes n’attendaient nulles réponses de la part de la jeune femme. Pour autant, celle-ci décida de rebondir sur mes mots, se sentant sûrement obligée de se justifier face à mes paroles. Attitude accessoire, d’autant plus que ma longue logorrhée était pourtant très claire. Il avait décidé de la mettre sur ma route et de fait, j’acceptais Sa décision sans attendre de justification de Sa part ou sans comprendre Sa volonté. Je savais déjà que le moment venu je comprendrais Ses désirs et la raison de ce choix si peu évident de prime abord. Finalement, sous l’impulsion de la sagesse et non de la colère, ses paroles offensantes par moments prenaient aussi tout son sens. Le Prophète que j’étais le voyait. Elle était la folie qu’il manquait à ma froide cruauté. Pour autant, je décidais de ne pas donner suite à ses paroles, comme si elles n’avaient pas de sens ou aucun intérêt pour moi. L’heure n’était pas encore à la discussion, leur était aux choix.

Son choix et ses explications me détachèrent un sourire des plus machiavélique. À mon sens impossible de dire pour elle si sa réponse était celle que j’attendais ou non, si ses explications étaient bonnes ou non.

« Ainsi donc, ton choix se porte sur les fourmis ? Tu estimes donc que le nombre fait la force ? Penses-tu que pour engendrer le chaos qu’Il attend de nous il faille que l’on soit Légion ? Nombre ne fait pas nécessairement force en ce monde. »

À peine quelques mots et de mon index squelettique, j’écrasais une à une chacun des fourmis jusqu’à ce qu’il ne reste que le colosse à corne caparaçonné.

« Vois donc la victoire dont tu parlais ? Aussi légion soient-elles, aussi ordonnées soient-elles, aussi obéissantes soient-elles, elles n’ont pas survécu à cet affrontement. »

Me levant, tournais le dos à cette scène de mort pendant que le survivant du combat se délectais de ses victimes touchées par la providence. Ramassant ma tasse et buvant une longue gorgée brûlante de ce thé finalement pas si bon que cela, je reposais le contenant à demi plein avant de regarder à nouveau la Hogo avant d’écraser violemment du pied le scarabée.

« Pour autant, aussi Goliath soit-il, il n’est rien lui non plus. Dans un combat à mort, il n’y a nul vainqueur pour les participants, seule la Mort est gagnante, seul Lui est gagnant. Notre voie est déjà tracée. Il a décidé de notre vie et de notre mort. Nos vies ne sont que des pions pour Ses grands projets. Ta mort et la mienne surviendront au moment où Il l’aura décidé. Vois cela comme ta première leçon. »

La suite n’était que théâtre. Le sceau n’avait aucun intérêt réel. Il me permettait seulement de voir jusqu’à quel point Akumi décidait de placer sa confiance en Lui. Malgré tout, sous le sternum, le cercle et le triangle furent apposés tel un signe de reconnaissance si particulier de celles et ceux Le suivant.

« Bien, désormais, tu ne seras plus en mesure divulguer des informations sur le culte à celles et ceux ne faisant pas partie de notre cercle. Transgresser cette loi, c’est transgresser Sa volonté et c’est encourir Son châtiment. Ce choix t’appartient. »

Me rasseyant sur mon tabouret, je récupérais le reste de brochette, la tendant à ma nouvelle partenaire.

« Je suis Shi. Je ne suis pas un simple fidèle, je suis Son prophète, je porte Sa parole et prêche Sa foi. Aujourd’hui, tu fais partie des nôtres. Pour autant, il te reste beaucoup à apprendre. Je ne suis pas pour autant ton maître, seulement ton guide. Il est notre seul maître à tous. »

Me levant, je m’approchais de la halte constituée majoritairement de bois et expulsais une immense boule de feux qui explosa à l’intérieur et embrassa le tout. Le bûcher brûlerait longtemps, consumerait tout, ne laissant que cendres et mort.

« Allons-y. Accompagne-moi et raconte moi donc ton histoire. Laisse moi entrevoir le choix qu’Il nous a imposé à tous deux. Mon projet est immense et si tu es là, c’est que tu as ta place dans le grand échiquier du monde. »

Il était clair à présent que le temps n’était plus aux discussions futiles, mais aux actes et aux paroles sincères. A moitié nue, la jeune Hogo attendait de recevoir le sceau maudit qui lui permettrait d’obtenir la confiance du Jashiniste. Béni soit le destin de l’avoir si vite mené sur les pas de cet être qui lui serait sûrement d’une grande aide dans le futur. Si cela ne se voyait pas vraiment à son visage, Akumi sut comprendre que son interlocuteur ne se désintéressait pas totalement de sa folie. Il était froid, sans émotion et calme, et la jeune Hogo était associable, sans émotion mais folle. D’une certaine manière, les deux êtres qui se tenaient là en servant de la mort et du désespoir se complétaient. Une once de fierté mauvaise et maline se fit voir dans les yeux de la jeune femme quand elle observa un sourire machiavélique sur le visage du Jashiniste. Aurait-elle réussi à sérieusement attirer sa curiosité ? Elle resta muette aux paroles de son interlocuteur, le regardant silencieusement écraser chaque fourmis l’une après l’autre pour donner à la Hogo.

Décidément, quel curieux personnage elle avait là en face d’elle. Elle ne comprit où il venait en venir que lorsqu’il écrasa violemment de son pied le scarabée, ne lui laissant pas le temps de savourer sa victoire providentielle. La Mort était, au finale, seule vainqueurs de n’importe quel affrontement. Elle écouta alors attentivement le Jashiniste lui révélait sa pensée, pensée qu’elle avait déjà compris au moment où il avait décidé de mettre fin à la vie du petit scarabée. Il ne restait à présent , à l’échelle des insectes, qu’un champs de cadavres destinaient à pourrir et à se fondre avec la terre. Belle métaphore des affrontements humains, qui ne se soldent au final toujours que par la mort des deux côtés. Il faut dire que la Kunoichi n’avait pas la même vision de la mort que le Jashiniste, puisqu’elle avait décidé de la combattre et de braver ses lois non seulement en trouvant l’immortalité, mais aussi en ramenant les morts à la vie, mais mieux fallait-il pour le moment ne rien lui en dire. Pour le moment, il fallait qu’elle gagne son absolu confiance.

« -Je vois, c’est donc là la vision que tu as de la mort. La vision qu’Il a de la même mort. Je retiendrai cette leçon, prophète. »

Acceptant alors sans broncher les enseignements de Jashin, la jeune femme laissa le prophète placer ses doigts squelettiques sous son sternum, regardant avec un petit sourire victorieux au coin des lèvres apparaître le sceau du dieu de la mort. Un triangle dans un rond, marque de son appartenance au culte, et surtout, symbole du début de confiance qu’elle venait d’obtenir auprès du Jashiniste. Ainsi, elle ne pourrait à présent plus rien divulguer à ses ennemis sur le Culte. Aucune importance, elle n’en avait nul intention, son respect pour Jashin était bien réel, et elle n’avait nullement l’envie de trahir son défunt maître. Ce sceau ne lui imposait aucune limite qu’elle aurait dépassé elle-même, il ne la dérangeait donc nullement, et elle en tirait même une certaine fierté. Hisan aurait été fier d’elle. Attrapant la brochette que lui tendit son interlocuteur, elle en mangea un morceau et lui répondit sur un ton calme.

« -Eh bien, enchanté, Shi. Je suis persuadé que notre rencontre n’est nullement le fruit du hasard, Il m’a mit sur ta route parce que je peux t’être utile, comme Il t’a mit sur la mienne parce que tu sauras m’aider dans mes projets. Je saurais écouté tes sages enseignements. »

Regardant avec amusement le Jashiniste embraser la petite cabane de bois, la jeune femme se mit en route avec lui.

« -Mon histoire ? Bien, je vais te la raconter, mais à la condition que tu ne me racontes ensuite la tienne. J’étais une enfant seule, mal-aimée de ses parents à cause de mon incapacité à utiliser le Jiongu, le pouvoir de mon clan. Au bord de la mort, j’ai rencontré Hisan, un des serviteurs de notre Dieu. Il m’a apprit tout ce que je sais, il a révélé en moi le Jiongu, et il m’a transmit ses rêves. Aujourd’hui, il est mort, mais grâce à lui, je suis sûrement devenue une des meilleurs Iryojin de cette contrée, et j’ai bravé les lois fondamentales de ce monde. Aujourd’hui, je suis seule comme avant, avec un but cette fois, mais toujours seule. Et voilà que pour la deuxième fois maintenant, Jashin mets sur ma route un de ses fidèles, et pas des moindres. Surprenant, n’est-ce pas ? A toi de me raconter la tienne, maintenant. »

La jeune Hogo suivait patiemment son nouveau compagnon. Pas qu’elle le considère comme un maître, non, elle n’avait eut de maître que Hisan, mais elle était persuadée qu’il la mènerait vers les chemins de l’immortalité. Au fond d’elle, elle savait que les secrets du Culte de Jashin étaient une des seules clés à ouvrir les portes de l’immortalité, et ce prophète le mènerait à ses clés. Ce prophète serait l’intermédiaire par lequel elle accomplirait ses rêves, les rêves de Hisan.

SAIGO NO SŌHEI

Le chaos et l'anéantissement total : le Jashinkyō.
Au grand dam des moines-guerriers, la conviction religieuse partagée par une poignée de fidèles déterminés œuvrait encore et toujours. Le carnage était le précepte clé de la foi, ce dogme ne permettait donc pas aux partisans de laisser quelqu'un à moitié mort. Malheureux paysan, ta tête devait bel et bien tomber pour te sauver de la peur engendrée par la Mort, tu devrais même remercier tes sauveurs pour ce service.

Aujourd'hui, deux individus aux destins étroitement liés se rencontraient ; le hasard n'existait pas après tout. L'un, déjà prophète, acceptait de transmettre son savoir à une initiée. Le cadavre décapité referma brusquement sa dextre. Ce mouvement plutôt discret n'attirait pas forcément l'œil des protagonistes. Toutefois, ces derniers comprirent qu'un phénomène anormal se déroulait dans le cabanon. Pour preuve, le corps se releva doucement, mais sûrement. D'un pas lent et assuré, il se dirigeait en direction du symbole circulaire dessiné à quelques mètres. Une fois au centre, le macabre chuta.

Au même moment, les deux prophètes ressentirent une certaine vitalité s'emparer de leurs corps. Loin d'être l'immortalité elle-même, ce bienfait les renforçait. Quelques secondes plus tard, une voix rauque résonna dans leurs esprits : « Félicitation, mes enfants. Le chemin est encore long et pour y parvenir, les habitants d'un village vous aideront. un rire suivit ce sous-entendu. Uzushiogakure no Satō. Ils détiennent des secrets que vous devez obtenir. Ensuite, renforcez votre foi en les sauvant de la peur. »

Un feu inexplicable consuma entièrement la dépouille. Tantôt les cendres virevoltaient dans la cabane, tantôt elles disparurent d'un claquement de doigts.

Spoiler:

La blonde avait une histoire des plus banale. Fille d’un clan avec des capacités importantes, parents qui misent sur sa progéniture pour l’avenir. Déception quant aux faiblesses de leur enfant. Mais l’échec ne revient pas à l’enfant. L’échec est à mettre sur le dos des géniteurs qui n’ont pas su donner un potentiel exploitable à sa descendance. La suite, comme souvent. Une rencontre salvatrice et un enfant perdu qui voit en son sauveur la seule lueur d’espoir de sa triste vie. L’enfant n’a qu’un seul point d’accroche, celui qui donne un minimum de sens à sa misérable existence. Mais l’enfant grandit et son potentiel avec. Par la dure réalité des choses, ses capacités se révèlent à celui qui les cherche vraiment.

« Tu as raison. Notre rencontre n’est nullement le fruit du hasard. Le hasard n’existe pas. Une seule vérité existe en ce monde et elle nous réunit tous. Vois-tu ce que c’est ? Simple, il s’agit de … »

Sa voix décharnée se faisait entendre dans mon dos. Au cœur du brasier, l’offrande sans tête s’était animée et Il nous parlait à travers notre cadeau. Face à Sa démonstration qu’il m’avait été donné de voir en de très rares occasions, je ne pouvais que me courber devant Sa présence divine. Plié à quatre-vingt-dix degrés, regardant le sol, ne méritant nullement d’observer son avatar étêté, j’écoutais Ses paroles afin d’accomplir Sa volonté.

Si Ses paroles avaient été entendues maintes fois, elles dénotaient toujours d’une importance capitale. Si Son désir était que l’on se rende ma jeune apprentie et moi à Uzushio pour y percer les secrets de ce peuple, c’est que leur savoir ne pouvait nullement servir leur sang mais devait accomplir un but plus grand.

En revanche, contrairement aux fois précédente, cette rencontre aussi soudaine que plaisante ne me laissait pas sans rien. Une partie de Sa force m’avait été donnée et je sentais couler en moi une vitalité certaine. Alors que le cadavre se volatilisait, ses cendres portées par le vent, je me redressais, observant mes mains squelettiques avec attention. Nul changement visible, et pourtant, je sentais qu’au fond de moi, j’avais une vigueur certaine qui s’était révélée.

Me tournant vers Akumi, je la dévisageais un long moment avant de reprendre la conversation comme si rien ne s’était passé.

« Quand j’écoute ton histoire, je n’entends qu’une jolie fable. Comment es-tu parvenue au bord de la Mort en étant enfant ? Hisan, que t’a-t-il enseigné exactement ? Comment a-t-il disparu et rejoint notre Maître ? Quelles lois as-tu bravées ? Et sûrement l’un des points essentiels de cette rencontre, quels sont ces projets dont tu parles ? »

Commençant à quitter les lieux, prenant le chemin par lequel la Hogo était arrivée, sans me retourner, je l’interpellais une fois encore, scellant ainsi notre collaboration.

« Suis-moi, et surtout, raconte-moi toute ta véritable histoire afin que j’entrevois pourquoi Il t’a choisi pour m’aider à accomplir Sa volonté et non pas les mésaventures ennuyeuses d’une enfant inutile. »

En entrant dans la forêt, l’odeur de verdure et d’humidité mélangées remontèrent à mes narines. J’aime tout particulièrement l’odeur de l’humidité sous toutes ses formes, cela me rappelle mon long périple qui permit de transformer la larve que j’étais enfant au lépidoptère que j’étais aujourd’hui. M’arrêtant quelques secondes, je humais l’air ambiant, me remplissant les poumons à leur paroxysme avant de reprendre ma marche d’un pas assuré, mais relativement lent pour une personne normale. Après tout, à quoi bon me presser, à la fin, nous sommes destinées à rejoindre le même endroit et Lui seul est le grand gagnant.

Il était à présent temps de se mettre en route. La jeune femme avait délivré toute son histoire au prophète, sans la moindre hésitation. Elle n’avait ni honte de son passé, ni peur de le révéler, rien dans ses paroles n’offrait au Jashiniste la possibilité d’exploiter la moindre faiblesse. Maintenant que son passé avait été dévoilée au prophète, Akumi avait plus que hâte d’entendre ce dernier lui parlait un peu de qui il était. Après tout, un prophète du dieu de la mort et du massacre, ça devait bien avoir une histoire intéressante ? Elle écouta alors Shi proférait quelques paroles sur le hasard et la seule vérité de ce monde, qui devait sûrement à ses yeux être la mort. Toutefois, avant qu’il n’ait pu finir et avant donc que la Hogo n’est pu lui répondre, un événement que la jeune femme n’aurait même pas osé espérer se produisit. Sortant du tas de bois fumant qu’était à présent l’ancienne cabane de bois, le cadavre du paysan qu’Akumi avait tué de ses propres mains se leva et vint s’adresser aux deux adorateurs de Jashin.

Surprise par cette intervention peu commune, elle resta de marbre et n’eut pas tout de suite le même réflexe que Shi de s’incliner. Voyant que ce dernier faisait preuve de respect, elle s’agenouilla et baissa la tête face à l’apparition presque surnaturelle. En même temps que les mots du cadavre furent prononcés, Akumi sentit couler en ses veines une vigueur nouvelle, une force qu’elle n’avait pas auparavant, comme une bénédiction divine. Lorsque le cadavre disparut, consumé par d’étranges flammes vacillantes, la Kunoichi se sentit plus forte qu’elle ne l’avait jamais été auparavant. D’où venait donc cette nouvelle énergie, ce pouvoir qu’elle sentait couler en elle ? Serait-ce la récompense de Jashin pour lui avoir sacrifié le corps de ce paysan ? Toujours était-il qu’une mission avait été confiée aux deux acteurs de la mort, une mission qui, Akumi en était persuadée, allait les mettre sur le chemin d’un pouvoir nouveau et plus grand encore. Une chose est sûr, de là où il était, Hisan devait être fier de son apprentie, elle qui avait reçu une partie du pouvoir du grand Jashin lui-même.

Fait étrange, lorsque les flammes disparurent en même temps que le cadavre qu’elles consumaient,
le prophète ne sembla plus se préoccuper de cette apparition fortuite et n’y fit même pas allusion. Après tout, en tant que prophète, peut-être était-il habitué à ce genre d’événement soudain et inattendu. Shi semblait avoir beaucoup de questions pour la Hogo, sûrement voulait-il en savoir le plus possible sur sa nouvelle compagne d’arme. Écoutant attentivement ses paroles, la jeune femme jugea sage de répondre à chacune des questions de son interlocuteur, après tout elles n’étaient aux yeux de la Kunoichi pas assez indiscrètes pour qu’elle refuse de leur accorder une réponse.

<< -Tu vois savoir comment Hisan est mort… Si je te le disais, je te révélerai mon plus grand secret. Disons simplement qu’il est mort pendant une de nos missions personnels, tué par un groupe de ninjas d’élites de Kiri. Il m’a enseigné à peu près tout ce qu’il y a à savoir sur la médecine, je suis aujourd’hui capable de soigner avec une grande aisance mais surtout, de braver les lois de la nature. La modification génétique n’a aucun secret pour moi. Certains jugeraient mes recherches et mes expériences immorales et inhumaines, je dis qu’aucune morale ne devrait entraver le savoir-faire d’une personne. »

Akumi s’arrêta quelques instants. Devait-elle lui révéler son grand secret ? Non, il n’était pas encore temps. Elle devait d’abord avoir une entière confiance en lui avant de lui faire part de sa vraie nature. S’il faisait preuve de confiance en elle, et qu’il acceptait de lui révéler qui il était et d’où il venait dans les détails, alors peut-être reviendrait-elle sur sa décision. Mais pour le moment, le secret devait être maintenu secret.

« -Pour ce qui est de mes projets, ils sont simples. J’ai développé une technique qui me permet de ramener le corps des morts à la vie, mais plus que ça encore, elle me permet de totalement les contrôler et d’utiliser le chakra et les techniques du défunt. Toutefois, la technique est incomplète, car je ne peux ramener que le corps à la vie et non l’esprit. De plus, je suis incapable de l’utiliser en combat actuellement, car je ne connais aucune technique de Fuinjutsu me permettant de transporter les corps. Mon objectif est donc d’acquérir cette technique de Fuinjutsu, et surtout de perfectionner cette technique jusqu’à pouvoir ramener le corps et l’esprit des morts à la vie. Mais mon ultime objectif lui... »

Devait-elle en parler à un adorateur de la Mort ? Après tout, c’est cette dernière que défiait Akumi à travers ses objectifs et ses ambitions. Etait-il judicieux de lui annoncer comme cela ? Prise de confiance, la jeune Hogo décida que oui.

« -… Est de devenir immortel. »

Le prophète de Jashin allait-il apprécier les objectifs d’Akumi ? Après tout, même si elle défiait la mort qu’adorait tant Shi, l’immortalité et l’ultime résurrection étaient deux pouvoirs immenses qui ne pouvaient qu’aider le prophète Jashiniste à accomplir ses objectifs. Car il n’y a nul massacre sans pouvoir. Les deux errants entrèrent dans une forêt où l’odeur de l’humidité prit les poumons de la Kunoichi. Elle n’aimait pas cette odeur. Cela lui rappelait la pluie de Kiri, cette humidité maudite. Elle, elle préférait l’odeur de la mort et des cadavres. L’odeur des entrailles qui se révèlent sous le joug du scalpel.

« - A présent que je t’ai dis tout cela, prophète, à toi maintenant. Dis-moi qui tu es exactement, et d’où tu viens. Moi aussi, j’ai besoin de le savoir. »

En route pour leur mission au nom de Jashin, ils étaient temps que les deux nouveaux compagnons apprennent à mieux se connaître, et Akumi souhaitait en savoir plus sur Shi avant de lui révéler quoique ce soit d’autre.

Il n’y avait pas grand-chose à dire sur la forêt qui nous entourait. C’était une forêt tout ce qu’il y avait de plus classique, une forêt traversée par un chemin tout ce qu’il y avait de plus classique avec deux personnes arpentant la route, deux personnes qui elles n’avaient rien de vraiment classique. Je pourrais m’asseoir ici, en cet instant sur n’importe quel rocher moussu et décrire avec une certaine minutie pleine de mélancolie la nature qui m’entourait, mais je n’étais pas seul et le temps me manquait.

En effet, nous avions à faire et Sa volonté se devait d’être accomplie. Pour autant, par le passé, pendant les voyages et mes recherches, j’avais pris ce fameux temps pour observer ce qui m’était offert de voir. Il fallait le reconnaître, la nature était belle, elle avait beaucoup à offrir, seule notre présence était un non-sens dans cette harmonie terrestre. Il n’y avait qu’à voir ces villages, pustules architecturales venant rompre cet équilibre. Mais Il était là, et à travers moi, Sa volonté serait révélée au monde et le destin de chacun serai de Le rejoindre pour que chacun ne fasse plus qu’un avec Lui.

En attendant, la Hogo et moi marchions tous deux dans cette forêt tout ce qu’il y avait de plus classique, sur un chemin tout ce qu’il y avait de plus classique.

Comme depuis le début de notre rencontre, je l’écoutais avec attention. Si certains n’en avaient pas conscience, les mots avaient leur importance et utiliser l’un plutôt que l’autre permettait parfois d’en apprendre beaucoup, plus que l’on ne saurait imaginer. Si Akumi se montrait bien plus bavarde, elle cachait encore de nombreuses informations. Pour autant, elle avait su parler avec un peu plus de détails, et la suite viendrait petit à petit à n’en pas douter. Dans tous les cas, je l’avais laissée parler, la laissant épuiser son souffle et stopper son discours à un moment qu’elle jugeait sûrement important. Là encore, l’art de la discussion avait son importance. S'il était important de savoir combler le silence, certaines personnes n’aimaient pas ce vide et avaient tendance à parler pour éviter ces instants de mutisme.

Continuant à cheminer de mon pas habituel, je poursuivais donc nos échanges sans me retourner vers ma partenaire. Il est aussi vrai que dans l’art de la discussion, regarder son alter-ego était une forme de politesse, mais dans notre cas présent cela ne démontrait nulle désinvolture, juste la volonté d’aller de l’avant face à nos obligations.

« Eh bien Akumi. Tes paroles sont bien plus en osmose avec ce que j’attends, même si je sais également que tu ne dis pas tout. Nous aurons l’occasion d’y revenir, notre collaboration ne fait que commencer. Pour ma part, sache que la manière dont Hisan est mort m’importe peu. Si Il l’a rejoint c’est que son temps était terminé et que cette fin était prévue. En revanche, si avoir une médecin avec moi peut s’avérer utile, sache que de mon point de vue, il n’y a rien d’immoral ou de contre-nature dans ce que tu me dis. La nature elle-même est en perpétuelle évolution. Penses-tu qu’elle ait pu rester ainsi au fil de son existence sans s’acclimater à ce qui se passait autour d’elle. Regarde donc les poissons autour de Mizu no Kuni, ils se sont adaptés pour survivre dans l’eau. Regarde les geckos du désert de Kaze no Kuni, eux aussi se sont adaptés pour survivre à la chaleur environnante. L’évolution d’une espèce ou d’une autre pour sa survie est absolue, vouloir faire évoluer les choses, c’est être dans le courant naturel des choses quoi qu’en disent ses détracteurs. »

Puis, ramassant un escargot qui passant sur le chemin humide, je le tenais dans la paume de ma main, le montrant à la blonde.

« Voilà l’évolution. Aussi petit soit-il a su s’adapter à son environnement, se protégeant de sa carapace, usant de sa bave lorsque l’environnement est trop sec. Il a su trouver des moyens de survivre. Pour autant … »

Ma main squelettique écrasa le pauvre animal innocent. La lavant dans une petite flaque d’eau avant de m’essuyer sur mon long manteau sombre, je reprenais ma route en continuant la discussion.

« Pour autant, l’évolution n’est pas la panacée ultime. Il y aura toujours une force au-dessus de tout pour nous rappeler que nous ne sommes rien. Et cette force, tu l’as rencontrée tout à l’heure. Ne l’oublie jamais. Pour ce qui est de tes techniques de résurrection, là encore, je ne vois nulle offense, pas plus que la recherche de l’immortalité. Cette dernière a déjà été acquise dans l’histoire de notre culte selon les plus vieilles légendes. Elle serait offerte par Lui à ses plus fidèles acolytes. Pour ce qui est de contraindre les morts à l’obéissance, ce n’est rien de plus qu’une manière de Le satisfaire. Une fois encore, n’oublie pas qu’Il sait tout de nous et qu’Il ne t’aurait jamais mené à moi si tes desseins n’étaient pas ceux qu’Il attendait. »

Cette démonstration avec le gastropode pourrait paraître cruelle pour certains, mais pour autant, il n’était rien. Si l’escargot était présent en cet instant, c’était justement pour permettre cette démonstration et rien de plus. Son existence toute entière, sans qu’il le sache avait été vouée à ce moment. C’était en partie ce qu’il fallait retenir de tout cela. Mais le comprendrait-elle ainsi ? En attendant, après moult réponses à mes interrogations, il était temps que je me dévoile d’avantage à la jeune femme. Après tout, je n’avais rien à cacher. Connaitre mon histoire ne changerait rien à mes objectifs et ne m’apporterait nulle faiblesse supplémentaire que je n’aurais pas déjà.

« Qui je suis ? Je ne suis personne. Je ne suis qu’une expérience ratée de ce qui serait plus tard connu comme le projet-K de Sunagakure no Sato. J’ai été choisi par Lui, sorti de la misère par Sa volonté à travers Ses fidèles. Ils m’ont nommé « l’élu » et j’ai été élevé en tant que tel pour apporter Sa volonté à travers le monde. Il m’a offert à la force nécessaire pour accomplir Son œuvre et après tant d’années de maîtrise, voilà que ma marche est lancée. »

Deux hommes chargés de paquets sur le dos croisèrent notre route. Se souvenir de l’allégorie du gastropode en cet instant et chacun saurait ce qu’il adviendrait de ces individus qui pensaient être là pour accomplir une tâche alors que le destin les avait amenés à quelque chose de beaucoup plus grand. Les saluant de la main, je les invitais à stopper leur marche un instant.

« Bonjour messieurs. Votre arrivée soudaine est parfaite pour imager les paroles que je m’apprêtais à offrir à ma jeune amie ici présente. Accepteriez-vous de m’aider quelques instants ? »

Le ton n’était ni froid ni chaleureux, pour autant, il laissait une drôle d’impression aux deux protagonistes inconnus qui ne se sentaient pas de refuser une demande formulée avec politesse.

« Tu m’as parlé ouvertement de tes talents. Et si je ne saurais compter sur toi sans savoir ce qu’il en retournait de tes aptitudes, il en est de même pour toi à mon égard. »

L’inquiétude montait entre les deux paysans qui se regardaient en se demandant s'ils n’allaient pas fuir. Mais avant qu’ils ne puissent agir, après quelques mudra, un cube permettant de contenir l’un des deux hommes se forma entre mes mains, et une fois la technique relâchée sur l’un des malheureux, ce dernier disparu totalement, le laissant que ses sandales au niveau de ses chevilles sectionnées nettes. Ce n’était pas une erreur de ma part, juste la volonté de montrer l’effet de ce jutusu à la Hogo. Tout aurait pu disparaître, mais cela aurait sûrement été moins compréhensible.

Un premier temps abasourdi, la seconde victime reçu un sceau rougeoyant sur le corps avant que je lui intime l’ordre de fuir. A peine avait-il commencé sa course effrénée qu’il s’enflamma et sombre de douleur avant de se taire de manière définitive, les flammes s’éteignant alors d’elles-mêmes.

« Voilà un aperçu de ce qu’il m’est possible de faire. Mais il reste une chose que tu dois savoir, même si je doute que cela soit la raison de notre rencontre. Vois plutôt cela comme un bonus. »

M’accroupissant près du cadavre encore chaud, je déroulais un parchemin vierge et après quelques mudras, le corps disparu, laissant un marquage bien distinct sur le parchemin.

« Si t’apprendre à stocker un corps peut réellement développer tes talents, alors soit, je t’enseignerais cette technique somme toute basique. »

La forêt. Voilà bien un environnement que la jeune Hogo n’appréciait pas beaucoup. C’était un endroit bien trop plein de vie, de bonheur et de calme. Le petit gazouillis des oiseaux, les écureuils courant d’arbre en arbre, les rayons du soleil inondant l’assemblée des sages arbres se dressant immobiles depuis des années. Il n’y avait ici aucune odeur de mort, pas de cadavre à découper, par de mort à ramener à la vie, pas de sang dont se délecter. Il n’y avait ici rien qui était familier à la Kunoichi, est c’est pour cela que la jeune fille n’avait jamais les forêts. Elle ne remettait pas en cause leur beauté, non, mais la beauté est subjective, et la jeune femme en avait une vision bien particulière qu’elle partageait avec peu de monde. Ces arbres pouvaient bien se tenir là depuis des décennies, des siècles, des millénaires, ils n’étaient pas immortels et finiraient par mourir, leur beauté n’avait rien d’éternelle, alors à quoi bon ? A quoi bon se dresser fièrement, arborer sa puissance et sa splendeur, si c’est pour laisser le temps et les années vous faner et vous faire dépérir ? Aucun intérêt aux yeux de la Hogo, car pour elle, la beauté devait être éternelle.

Ayant fini de parler d’elle, Akumi écouta à présent son interlocuteur. Elle sourit à ses mots, un sourire d’ambition, car les paroles du prophète lui plaisaient. Ainsi donc il était en accord avec ses idées, et la savoir manipuler des gênes et ressusciter des cadavres ne le dérangeait donc pas. Tant mieux, car la Kunoichi n’avait absolument pas l’envie ni le besoin d’un allié qui jugerait sa façon de faire. S’ils étaient amener à s’allier et à se battre ensemble, il fallait nécessairement qu’aucun des deux ne jugent l’autre sur sa manière de faire les choses et de voir le monde, les deux devaient être parfaitement en accord. Akumi ne partageait pas tout à fait la même vision que Shi car, pour elle, même Jashin et même la Mort elle-même n’étaient pas insurmontables, mais ce petit désaccord n’avait pas réellement d’importance. Cela ne gênerait pas la collaboration des deux singuliers personnages.

« -Nos visions du monde diffèrent quelque peu, prophète, mais nous sommes globalement en accord et nous nous complétons. Notre alliance nous permettra à tous deux d’atteindre nos buts, car tu as besoin de moi comme j’ai besoin de toi. »

Shi croyait au destin. Il croyait que cet escargot était destiné à mourir entre ses mains, qu’il n’était né que pour cela et que sa vie entière avait été vouée à cet objectif. Akumi vouait elle aussi sa vie entière à ses objectifs, pour autant le destin n’était pour elle qu’une fable. Une invention des hommes pour justifier leurs erreurs et leurs échecs, pour se pardonner eux-mêmes de leur incompétence en la mettant sur le dos de la destinée. Une échappatoire. Toutefois, le fait que son nouvel acolyte y croit ne la gênait pas le moins du monde. Alors qu’ils marchaient tous les deux tranquillement, quelques mots du Jashiniste éveillèrent la curiosité de Akumi qui s’arrêta net, les yeux écarquillés.

« -Que viens-tu de dire ? Tu viens de Suna ? Qu’est-ce que c’est que ce Projet-K, dis m’en plus je veux savoir tout ce que tu sais la dessus ! »

Son ton n’était pas agressif, mais on pouvait sentir à l’intensité de sa voix que la jeune femme ne comptait pas le moins du monde arrêter avant de tout savoir sur ce projet-K et sur ce que Shi savait de Suna. S’il était originaire du village caché du sable, alors c’était l’occasion pour la Hogo d’enfin comprendre pourquoi Hisan l’avait mit sur cette route, et pourquoi il semblait accorder tant d’importance à Suna. Toutefois, avant que Shi n’ait eut le temps de comprendre à Akumi, deux hommes apparurent sur la route et le Jashiniste les interpella. Quand ce dernier les interpella, la jeune femme comprit de suite ce qu’il avait en tête. La mort approchait pour ces deux individus, car c’était là leur destin aux yeux du squelettique adorateur de la Mort.

Akumi contempla avec admiration son acolyte faire disparaître le premier des hommes dans un cube étrange et embraser le deuxième grâce à une technique de sceau maudit. Voilà donc alors comment se battait le Jashiniste. La jeune femme avait un style de combat bien différent, mais cela ne présageait que de bonnes choses, car les deux combattants se complétaient. S’ils combattaient ensemble en duo, ils seraient invincibles. Grâce aux capacités de médecine de la Kunoichi et à ses compétences au combat rapproché et grâce aux arts du sceau et aux techniques de combat à distance du prophète, aucun adversaire ne pourrait leur tenir tête. La jeune femme était confiante pour la suite des événements. Ce qui intéressa toutefois le plus la jeune Hogo, c’était la technique de scellement qu’utilisa son compère pour enfermer le cadavre dans un parchemin. Elle se devait d’obtenir cette technique pour parfaire la technique de l’Âme Morte.

« -Très impressionnant, je suis admiratif de tes compétences, prophète. Mes techniques de soins et mes compétences au corps-à-corps couplées à tes capacités nous rendrons très puissant. Mais effectivement, pour pousser nos puissance à son maximum, il faut que tu m’apprennes cette technique, car ainsi, chaque adversaire que nous tuerons, j’en ferais un puissant allié que nous pourrons appeler à notre aider. Il me tarde de te montrer cette technique, je suis sûr que tu l’apprécieras. »

Marquant un temps d’arrêt, la jeune femme reprit la discussion avec un ton plus sérieux cette fois.

« -A présent, parle-moi de Suna et du Projet-K, je veux tout savoir c’est très important. »

« Que nos visions du monde soient proches ou non, cela ne change rien pour moi. Que l’on soit globalement d’accord toi et moi ne changera pas ce qu’Il a prévu pour nous. Je te parle avec sincérité quand je te dis qu’il n’y a rien d’immoral dans ce que tu fais et dans ce que tu recherches. Pour autant, si j’avais trouvé cela amoral, ce n’est pas pour autant que j’aurais rejeté ton aide. Je l’aurais acceptée toute autant dans la mesure où cela résulte de Sa décision et non de la mienne. Nous aurions seulement échangé d’avantage sur ce qui nous sépare pour que je comprenne tes motivations. Mais ce n’est pas nécessaire. Je les comprends et je ne peux que t’exhorter à poursuivre dans ta voie. Après tout, tu as été choisie pour accomplir un destin plus grand que tu ne l’imagines. Et sache que pour y parvenir, il n’y a aucune méthode qui soit mauvaise ou inutile. »

Notre marche forestière se poursuivait dans cet après-midi riche en rebondissements. D’une rencontre imprévue, se dégageait une collaboration qui ne pouvait devenir que faste. Alors que nos débats et discussions tournaient autour de la mort et du chaos, tout autour de nous respirait le contraire. Un couple d’oiseaux gazouillant sur une branche, un lapin curieux qui traversait le chemin à notre passage, posant ses yeux rouges sur nous avant de s’enfuir. Au loin, le clapotis de l’eau, une rivière sans nul doute et plus proche, le doux frottement des cimes des arbres agitées par le vent pendant qu’à terre, l’herbe plissait et les feuilles tombaient en valsant.

Tout respirait la vie, jusqu’aux rares rayons de soleil perçant qui venaient réchauffer notre peau. Mais Son objectif n’était pas le néant. Ce n’était pas de détruire le monde, mais de libérer chacun de la peur de la Vie elle-même et d’offrir une rédemption à tous. Mes pas furent stoppés au moment où la Hogo s’arrêta et me posa quelques questions d’une voix curieusement intéressée.

Mais le temps des explications vint après le temps des démonstrations et une fois les deux victimes innocentes ayant accomplies leur destinée, je pouvais me résoudre à répondre aux nombreuses interrogations de la jeune femme.

« Suna ? Oui. Enfin, j’y suis né. Je ne me considère pas comme Sunajin pour autant. J’ai quitté les miens, ou plutôt on m’a offert une nouvelle voie lorsque j’avais environ huit ans. C’est à cette époque que celui qui fut l’un de mes mentors me désigna comme Son élu. Quant à ce projet-K, j’ai appris son existence bien plus tard. Il s’agit d’un projet des dirigeants de Suna visant à un plan d’eugénisme global. Je ne saurais te dire quand cela a été lancé, mais il fut une époque où lorsqu’un don était découvert chez un ennemi ou dans le pays, les autorités tentaient de cultiver ces dons pour parfaire leur armée avec des soldats dotés des plus grands talents. Pour ton explication, je ne saurais te dire qui était ma mère ou mon père, et je n’en ai cure. J’ai été élevé avec nombreux autres après avoir été le fruit d’un accouplement entre personnes dotées de dons particuliers. Pour autant, j’étais un échec aux yeux de Suna et sûrement destinés à mourir en tant que chair à canon en devenant un shinobi de bas rang. Mais Il m’a sauvé. Il m’a donné un idéal et un objectif de vie. Je ne peux que Lui en être reconnaissant. Quant à savoir si ce pouvoir de disparition que je possède est le fruit de ces expériences ou non, je ne peux te dire. Je vois cela comme Son cadeau, Son don qu’Il m’a offert pour accomplir Sa volonté. »

De manière générale, je n’étais pas particulièrement bavard, et à la réflexion ce n’était pas particulièrement par manque d’envie de parler, mais par absence d’interlocuteur. Donc, finalement, était-ce là être bavard ou seulement la nécessité de répondre à des questions pertinentes ? Aucune idée. Quoi qu’il en soit, si cela pouvait aider la Hogo, alors soit. Après tout, je n’avais rien à cacher et tout à gagner à ce qu’elle avance dans ses projets.

« Pourquoi vouloir en savoir autant sur Suna ? Je te croyais Kirijin. »

Question pertinente à mon sens et qui méritait sûrement une réponse tout aussi pertinente. En attendant, il était nécessaire de reprendre la route.

« Bien, maintenant que je t’ai parlé de Suna, dis-moi, pour ta technique, dans quel état doivent être les corps ? Disons que je n’ai pas pour habitude de laisser quelque chose de facilement utilisable comme tu peux le voir. Soit il ne reste rien, soit il reste des cendres, au mieux des corps calcinés. Peux-tu utiliser un corps brûlé et lui rendre son apparence ? Jusqu’à quel point peux-tu réparer un corps endommagé ? Peux-tu rendre un bras ? Une jambe ? La moitié du corps ? »

Ces questions avaient leur importance, car cela impliquait potentiellement du changement dans ma manière d’aborder un combat. Face à un ennemi puissant que nous pourrions utiliser, il était important pour moi de savoir jusqu’à quel point je pouvais le détruire. Il serait regrettable que je ne puisse pas utiliser mon potentiel pour tenter de capturer un corps et mourir à cause de cela et de ma prévoyance.

Quelle chance. Quelle chance inouïe. Jamais Akumi n’aurait imaginé qu’elle rencontrait aussi vite quelqu’un qui connaissait les secrets de Suna, et jamais, au grand jamais, elle n’aurait imaginé pouvoir obtenir aussi vite et aussi facilement les informations dont elle avait besoin pour comprendre le plan de son défunt maître. Finalement, ce prophète était encore plus intéressant qu’elle ne le pensait au départ, et lui serait bien plus utile qu’elle ne l’avait imaginé. Enthousiasmée, la jeun femme écouta les paroles de son acolyte sur leur vision respective du monde et sur la moralité, mais ni prêta pas vraiment d’attention. Que Shi veuille détruire le monde ou simplement exterminer tout le monde, cela lui importait peu, tant qu’il pouvait l’aider à accomplir ses objectifs et comprendre les dernières paroles de Hisan. Attendant patiemment que le squelettique personnage ait fini sa démonstration, elle se mit à écouter attentivement quand il commença à parler de Suna et de ce fameux projet-K.

La partie sur l’enfance de Shi, bien que peu banale, n’intéressait pas vraiment la jeune Hogo. Le passé était le passé, et il ne servait à rien de regarder en arrière, il fallait aller de l’avant. Toutefois, les informations que lui fournit le prophète sur le projet-K firent écarquiller les yeux de la jeune femme. C’était donc ça le projet-K, c’était donc de cela que Hisan avait voulu parler à Akumi. Capturer des personnes de toutes horizons possédant des pouvoirs héréditaires particuliers pour les assimiler à Suna et s’en faire des alliés, tout en les intégrant à des familles Sunajins pour assurer aux générations futurs de Suna de posséder ces puissants pouvoirs. Immédiatement, la Kunoichi fit un lien avec sa propre histoire à elle, avec tout ce que Hisan lui avait apprit, avec tous ses objectifs. Immédiatement, la jeune femme comprit ce que son maître avait en tête. Un sourire malicieux apparut sur ses lèvres, comme si tout s’éclairait enfin.

« -Pourquoi vouloir en savoir autant sur Suna ? Avant de mourir, mon maître Hisan m’a dit que tout ce que je cherchais se trouve dans le village caché du sable, mais que je ne devais m’y rendre que quand je saurais exactement quoi faire. Aujourd’hui, j’ai compris ce qu’il avait en tête, et je sais pourquoi il voulait que je me rende à Suna. Il y a quelque chose là-bas qui m’offrira ce que je recherche. »

Tout était limpide maintenant. Suna, les coeurs, l’immortalité, la résurrection, le projet-K, Akumi comprenait tout. Il était certain que personne ne pouvait voir clair dans les idées de la jeune Hogo, mais les simples explications de Shi lui avaient permis de comprendre les dernières paroles de Hisan. A présent, elle savait quoi faire et où aller. Suna serait son objectif, mais pour l’instant, elle devait se concentrer sur la mission confiée par Jashin. Se rendre au village caché du sable sans un minimum de force de persuasion et de pouvoir ne lui apporterait qu’un grand danger dans le meilleur des cas, et la mort dans le pire. A présent, chaque action de la jeune femme devait être minutieusement réfléchit et parfaitement orchestré. Son plan allait être mis en marche, et le prophète y tiendrait une grande place.

« -Pour ce qui est de ma technique, le coeur de la victime doit être en bon état. Réparer les tissus de la peaux, les fibres musculaires, de simples brûlures ou autres ne devrait pas me poser de problème, je suis une bonne médecin. Toutefois, réparer un coeur est bien plus compliqué, et pour que le corps soit réanimer, il faut que je puisse faire battre le coeur à nouveau. »

C’est sûr que ces petits détails pouvaient être quelques peu handicapants en combat, car les attaques trop destructrices étaient à proscrire contre des ennemis qui pourraient potentiellement servir au duo. Toutefois, si les deux acolytes réussissaient à battre un puissant ennemi et que la Hogo en faisant un de ses pantins cadavériques, ce puissant adversaire deviendrait alors un allié de taille pour les deux adorateurs du massacre.

« -Je sais que cela peut être handicapant pour toi, et si jamais l’ennemi est trop puissant et que nous sommes en réel danger de mort, il faudra se résoudre à le détruire, mais si c’est cela est possible, il faut à tout prix que nous essayons de garder le corps dans le meilleur état possible. »

La jeune Hogo marqua un temps d’arrêt, se rappelant de la première fois qu’elle avait réussi à utiliser sa technique de l’âme morte et de la fierté dans les yeux de Hisan.

« -Crois-moi prophète, tu ne seras pas déçu. Imagine un peu, tous nos ennemis, les êtres les plus puissants de ce monde, nous pourrons les réduire à l’esclavage, nous pourrons nous en faire des pantins qui obéiront à chacun de nos ordres. C’est en ça que consiste la plus puissante des techniques de mon attirail de Kunoichi. »

A force de parler et de marcher, les deux acolytes arrivèrent bientôt au bout de la petite forêt et ils n’allaient pas tarder à en sortir. Le regard de Akumi changea, et son ton de voix avec, marquant clairement que la jeune Hogo passait à présent à quelque chose de plus sérieux. Peut-être qu’il n’était pas prudent de faire ainsi confiance au premier venue, mais la jeune femme sentait la foi de Shi, et elle sentait que cette foi inébranlable ne pouvait que faire du prophète un allié de la Kunoichi, puisque cette foi persuadait le prophète que la Hogo lui avait été envoyée par Jashin.

« -A présent, nous devons parler clairement des moyens que nous allons mettre en œuvre pour mener à bien nos objectifs. Suna sera un de nos principal objectif, j’ai des projets pour ce village. Tu dois maintenant me dire ce que toi tu as en tête pour la suite des événements. »

Il était temps maintenant de mettre en œuvre un plan d’action clair, et la suite des événements devait être limpide pour les deux alliés. Bientôt, ce monde allait connaître une nouvelle ère.

Je ne connaissais pas ce Hisan, mais il était indéniable, en écoutant la Hogo, que l’homme, fidèle du culte, lui avait donnée des directives pour lui permettre de rejoindre ceux qui deviendraient ses pairs. Seulement le destin en avait décidé autrement et ses pas avaient été guidés jusqu’à moi pour que notre rencontre marque le début d’une relation prospère.

Écoutant avec attention la jeune femme, je ne pouvais me réjouir de l’enthousiasme avec lequel elle expliquait ses capacités et ses projets. Elle semblait être quelqu'un de passionnée et la passion faisait partie intégrante de ce qui faisait notre force. Il n’avait pas besoin de gens faibles, Il n’avait pas besoin de gens sans objectifs, Il avait besoin de fidèle à la force de conviction au-delà de tout et en Akumi Il avait trouvé une nouvelle adepte.

« Au-delà de ce que tu imagines trouver à Suna, il y a autre chose d’important qui vit sous les sables de Kaze no kuni. Quelque part en plein désert, caché aux yeux de tous, notre mausolée, notre sanctuaire Le vénérant a été élevé et sert aujourd’hui de temple principal dédié à Son culte. »

Puis réfléchissant quelques secondes aux explications techniques concernant le jutsu médicale de la blonde, je me frottais les mains, les observants sous toutes les coutures comme si j’allais y trouver une réponse à une question que je ne m’étais pas posée.

« Pour ce qui est de tes cadavres, je prends note de ce que tu me dis. Pour autant, même si je ferais attention à te laisser de quoi œuvrer, entre ton projet et Son œuvre, tu comprendras que je ferais passer Sa volonté avant nos besoins terrestres. Mais, normalement, hors cas exceptionnels, cela ne devrait pas poser trop de problèmes. »

Alors que notre marche forestière s’ouvrait enfin sur une vaste zone, la vue qui nous était offert était caractéristique du pays. D’une montagne peu élevée, nous surplombions la vallée et surtout, nous avions désormais une vue imprenable sur la mer. Pour autant, l’odeur familière du bois frais et de la sève était toujours bels et bien présents. Cependant, il ne faudrait pas bien longtemps avant que l’odeur des embruns emplisse nos narines.

Face à ce soleil retrouvé, la douce chaleur de ses rayons vint frapper mon visage. J’en profitais alors pour m’approcher d’une falaise aux pieds de laquelle une terre relativement meuble était présente.

« Bien avant que je ne détaille ce que je prévois de faire, occupons nous de ton sceau. Déjà, avant de tenter quoi que ce soit, il te faut déjà maîtriser le sigil. »

D’un index fin et squelettique, je traçais une forme dans le sol.

« Commence donc par maîtriser ça et après, on verra comment utiliser ton chakra pour stocker quelque chose. »

L’entente entre les deux singuliers personnages qu’étaient Shi et Akumi commençait à se consolider. Apprenant à se connaître l’un l’autre, aussi bien en terme de psychés qu’en terme de puissance, la savante folle et le prophète comprirent vite que le destin ne les avait pas fait se rencontrer pour rien. Il sortirait de cette fortuite rencontre quelque chose de bien plus grand, une chose à laquelle le monde n’était pas encore préparé. Il allait sans dire que la route allait être longue et difficile, mais les deux étranges Shinobi qu’étaient Shi et Akumi étaient faits pour s’entendre. La jeune femme bouillonnait au fond d’elle, bien qu’elle essaye d’en laisser paraître le moins possible. Sa vie prenait enfin un sens, après ces vingts années à en chercher un, la Kunoichi l’avait finalement trouvé. A présent, elle savait comment arriver à ses fins, et cet homme, ce prophète, ce Shi, il serait celui grâce à qui elle réussirait à assouvir ses désirs. Ses désirs de puissance. Ses désirs de vaincre la mort. Ses désirs d’immortalité.

Avec sa nouvelle vitalité divine qui coulait dans ses veines et son objectif maintenant clair dans sa tête, Akumi ne s’était jamais senti aussi vivante qu’à cet instant. Cependant, elle ne devait pas perdre de vue que ses buts ne seraient pas facile à atteindre, et que la mort allait sûrement parsemer son chemin. Calmant la fougue qui s’agitait en elle, elle écouta avec attention les paroles du prophète sur le pays du vent et le désert de sable qu’il abritait. Il y avait donc là-bas un sanctuaire Jashiniste ? LE Sanctuaire Jashiniste ? Hisan lui avait longuement parlé d’un lieu où les adeptes de la Mort se réunissaient pour vénérer leur puissant Dieu et s’adonner à tout type de rituel plus sanglant les uns que les autres, mais surtout, il lui avait parlé d’un antique pouvoir qui sommeillait entre ces murs. Est-ce vers là qu’il voulait la diriger en lui parlant de Suna, et non vers le village caché du sable ? Impossible, sinon, il ne lui aurait pas dit de se rendre à Kaze no Kuni qu’une fois qu’elle aurait comprit ce qu’elle devait y faire. Après tout, il avait bien stipulé qu’il n’avait jamais vu ce pouvoir de ses propres yeux, et que ce n’était peut-être qu’une légende. Elle ne pouvait pas se tromper, si elle devait se rendre à Suna, c’était bien pour une autre raison… Une raison qu’elle avait à présent comprit.

« -Tu dis que le grand temple de Jashin se trouverait enfoui dans les sables du désert du pays du vent ? Mon maître m’en a parlé, et il a stipulé une légende qui affirmerait qu’un antique pouvoir y sommeillerait depuis le temps. Projettes-tu de m’emmener là-bas, prophète ? »

Il faut que cela aurait bien arrangé la jeune femme de pouvoir faire d’une pierre en se rendant au pays du vent, d’abord pour explorer ce sanctuaire et vérifier que cette légende en est bien une, puis ensuite pour se rendre au village caché du sable. Toutefois, si ce lieu mystérieux abritait bien un pouvoir antique, scellé en son coeur, alors elle se devait de le découvrir, car les pouvoirs et les mystères de Jashin ne pouvait que la mettre sur la voie de l’immortalité. Après tout, on raconte bien que certains adeptes du culte s’étant élevés à un niveau supérieur, étaient devenus immortels… Mais c’est bien parce qu’il n’avait pas su voir ni accéder à cette immortalité promise aux fidèles qu’Hisan avait quitté le culte, et Akumi n’y croyait donc pas trop. Toutefois, aucune piste n’était à mettre de côté, et toute information ainsi que toute aide étaient bonnes à prendre. Ainsi, si pouvoir il y avait dans ce Sanctuaire, elle se devait de se l’approprier avec son acolyte, et sûrement ce dernier était il du même avis.

La Kunoichi se tut aux paroles suivantes de Shi, qui concernaient la technique de réincarnation de la jeune femme, et se contenta d’acquiescer d’un mouvement de tête. Il est clair que lors d’un combat un peu trop ardu, il valait mieux privilégier à tout prix sa mort, quelque en soit les dégâts sur son corps, mais l’objectif de récupérer un maximum de corps intacts n’étaient pas à perdre de vue. Non seulement cela aiderait grandement la Hogo au combat, et donc indirectement le prophète lui-même, mais en plus, cela permettrait à l’Iryojin de continuer à mener ses recherches. Sa technique n’était largement pas encore assez satisfaisante à son goût, et bien que sa connaissance du corps humain soit quasi-parfaite, elle était encore améliorable.

Bientôt, l’énigmatique petit duo arriva au sommet d’une petite montagne, surplombant fièrement la mer. Les effluves marines ne mirent pas longtemps à venir titiller leurs narines. La vue était superbe d’ici, mais la jeune femme avait trop l’habitude des paysages du pays de l’eau pour s’en émerveiller. Ses nombreuses missions en tant que Kunoichi de Kiri lui avaient fait voir du pays, et elle ne s’étonnait plus de ces visions merveilleuses. La mention de sceau attirant bien plus l’attention la Kunoichi que le paysage, attisant sa curiosité. Elle regarda avec attention Shi tracer un dessin au sol, et écouta attentivement ses paroles. Toutefois, elle n’en comprit pas vraiment le sens.

« -Je dois t’avouer que si la médecine, les cadavres et la génétique n’ont presque aucun secret pour moi, il n’en va pas du tout de même pour l’art des sceaux. C’est un domaine des arts du ninja qui m’est totalement inconnu, et tes paroles sont mystérieuses à mes oreilles. Peux-tu m’éclairer sur le sujet ? Que dois-je donc faire pour maîtriser ce « Sigil » dont tu parles? »

A présent, il fallait que la jeune Kunoichi soit très attentive aux paroles de son interlocuteur, et qu’elle se concentre correctement pour apprendre l’art du stockage par le sceau. Cet art lui serait absolument nécessaire pour perfectionner sa technique de réincarnation, car il était indispensable de pouvoir invoquer des corps à tout moment pour pouvoir les utiliser en situation de combat. Il ne restait à présent à la Hogo plus qu’à attendre les directives du prophète.

Saigo no Sōhei

Actualités

Système

Bibliothèque

Trame

Bienvenue
...

Derniers messages

Clans

Questions

Partenaires

Affute tes armes