Saigo no Sōhei

Poussant un soupir d’agacement, l’homme aux abords un peu bourru tambourina un peu plus fort à la porte de l’appartement, le bout de sa cigarette rougeoyant davantage alors qu’il inspirait pour limiter son énervement. Cela faisait maintenant cinq minutes qu’ils avaient dépassé l’heure à laquelle il l’avait informer qu’il passerait la chercher.

De par les errances de sa sœur, l’albinos avait toujours développé un petit côté laxiste et superficiel qu’il avait tâché de réprimer au fil de leurs voyages avec plus ou moins de succès. Mais depuis leur arrivée à Sunagakure no Sato et la soudaine prise d’indépendance de la jeune femme, celle-ci était retombée dans ses anciens travers. Heureusement ne vivait-elle que sur le maigre salaire de militaire que les autorités locales daignaient leur donner… Enfin, si ses parents avaient la jugeote de couper les ponts pour qu’elle se débarrasse enfin de tous ses caprices et apprenne les joies du mérite.

- Enfin.

Fit-il, grincheux alors que la porte s’ouvrait finalement.

- Heureusement que ce n’est pas une mission de sauvetage...

Fit-il ironiquement, alors qu'il faisait bien sûr référence au parchemin dont elle disposait également sur lequel était inscrit leurs consignes pour les prochains jours. Première mission de concert depuis leur grade respectif de Chûnin, ils allaient enfin pouvoir officialiser le retour à la normale de la dynamique de leur duo, l’autorisation de la formation de leur équipe ayant été annoncée.

Muni de sa simple cape de voyage beige claire légèrement rapiécée par endroits et d’un sac passé par-dessus son épaule  dans lequel reposait son matériel ninja, des rations alimentaires, deux gourdes d’eau et un kit médical sommaire, il la dévisagea de la tête aux pieds. Comme d’habitude elle n’avait sûrement rien laissé au hasard… tirant sur sa cigarette, il lui fit signe qu'il était temps d'y aller et à peine dirigés sur le chemin des portes du village il posa la question fatidique qui déterminerait sûrement la pénibilité et les chances de réussite de leur mission.

- Dis-moi que nous aurons un transport pour cette fois…

Rappel mission:

Ses lèvres se pinçèrent à la mention de l’embuscade. Cependant l’Aburame resta silencieux, se contentant d’effriter le bout de sa cigarette qui n’était plus que mégot, alors que quelques-uns de ses insectes remontaient rapidement sa main pour dévorer le résidu. Lui répondre ne ferait qu’accentuer son sarcasme mais qu’aurait-il bien pu rétorquer quand tout était en effet de sa faute…

- A pied donc.

Fit-il, s’empêchant de lui faire remarquer qu’elle aurait éventuellement peut-être pu invoquer un autre volatile. Se rendant aux portes, le duo montra son acte de mission aux écuries du village pour emprunter deux destriers.  

- La caravane devait rejoindre le nord du pays en direction de l’Avant-poste Kogyoku au sud de la Province de la Terre. Aux dernières nouvelles ils avaient disparu à deux journées de voyage de Suna. En se dépêchant nous pourrons rattraper leur piste demain.

Rangeant sa carte alors qu’il avait son cap, il garda sur lui sa boussole, noua son chèche afin de se protéger du soleil et des grains de sable soufflés par les rafales de vent épisodiques et lança son cheval au galop. La journée se passa sans encombre. Faisant d’abord une pause rapide à une oasis sur leur trajectoire pour reposer leurs montures et souffler quelque peu durant leur chevauchée, il leva finalement la main à l’approche d’un regroupement de rochers qui les protégeraient des vents du désert alors que la nuit commençait à tomber.

Chacun à sa tâche comme ils avaient l’habitude de le faire lors de leurs errances, ils montèrent leur campement rapidement. Shirahime déploya le camp grâce au matériel stocké dans son fuinjutsu tandis que lui s’occupait des chevaux. Terminant enfin, il s’assit au coin du feu, courbaturé par la longue chevauchée et le retour de ses douleurs lancinantes. Soufflant de répit, il sortit l’une de ses cigarettes et l’approcha du feu afin de l’allumer.

- Des nouvelles de tes parents ?

Fit-il, interrogateur, sachant que la jeune femme continuait de leur écrire. Sa sœur ne lui avait pas écrit depuis leur arrivée à Suna, se contentant de transmettre son inquiétude à sa fille pour qu’elle lui transmette ses encouragements de bon rétablissement… Cependant cela ne changeait pas des dernières années. Les deux Aburame n’avaient jamais été particulièrement proches, optant chacun pour une vie diamétralement opposée. Portant sa cigarette à ses lèvres, penseur, l’Aburame déchu plongea son regard dans les flammes, ses pensées déviant sur leur vie à Suna et l’intégration d’une nouvelle personne à leur binôme lorsqu’ils termineraient leur mission.

- Et Suna, des rumeurs intéressantes de ton côté récemment ?  

Roulant des yeux à la remarque sur sa santé, l’Aburame commençait à s’agacer des considérations de la jeune femme. Non pas car elle s’inquiétait pour lui depuis qu’elle l’avait sauvé d’une mort certaine, mais car ses remarques lui rappelaient constamment qu’il était devenu une source d’inquiétude pour autrui, lui qui depuis des années s’affairait à protéger ou œuvrer pour les autres. Comment garder la face alors qu’il était maintenant devenu plus faible que celle à qui il avait promis de l’aider à atteindre des sommets ?

- Quel dommage que les différentes factions de Hi ne se rendent pas compte que l’ennemi est ailleurs. Une fois Tsuchi stabilisé – s’ils arrivent à stabiliser la région un jour – les Sunajins risqueraient fortement de se focaliser sur Hi ...

Ecoutant la jeune femme avec un demi sourire alors qu’elle lui racontait son histoire, le plaisir de l’écouter résidait moins dans l’histoire farfelue que dans le fait qu’ils continuaient à se raconter leur journée mutuelle de manière aussi insouciante.

- Tu trouves ? Avec leur expansion à Tsuchi j’ai l’impression qu’ils sont un peu en sous-effectif à Kaze, d’où la promotion relativement rapide. Et puis, ils ont dû s’apercevoir que bien que n’ayant pas les habilités bien trop puissantes des Uchiha, nous dépassions le niveau et la mentalité de leurs apprentis de douze ans qui sortent de leur académie.

Tirant sur sa cigarette qui commençait à se terminer, l’Aburame approuva du chef à sa question sur l’hôpital.

- L’hôpital se passe bien. On me cantonne aux préparations d’onguents, baumes, remèdes etc principalement et aux chirurgies mineures, ma précision n’étant pas encore pleinement revenue mais les choses s’améliorent. A chacun sa manière de s’intégrer au village, on ne peut pas tous squatter des réceptions de nobliaux.

Dernière bouffée de fumée alors que ses insectes s’attaquaient à son mégot.

- Et en parlant de nobliaux, je ne sais pas si c’est le cas pour toi aussi mais j’ai eu l’occasion de rencontrer notre majesté. Il était étonnement facile d’accès d’ailleurs. Un brin trop confiant je pense. Une histoire d’exploration d’anciennes ruines du pays liées à un fuinjutsu antique. Comme quoi lentement mais sûrement il y aura peut-être quelque chose à tirer d’être ici… Je ne dirais pas non pour rentrer à Hi avec un ou deux Bijuus en poche.

Moqueur, l’Aburame lui raconta tout de même brièvement ses découvertes sur les toriis du Sanctuaire du désert et lui promit d’en reparler avec elle de manière plus posée afin d’exploiter ses connaissances en fuinjutsu sur les glyphes qu’il avait pu identifier.

L’albinos prête à se coucher, l’Aburame monta sans surprise la garde sur leur campement. Le sommeil ne le gagnait que peu récemment comme le démontraient ses cernes et son air livide, autant que cela serve à quelque chose. Attisant le feu avec un bout de bois mort, sa nièce l’apostropha quant au sort de leurs montures. Muet soudainement, celle-ci n’obtint aucune réponse si ce n’est le bruit soudain d’un bâton se cassant sous une pression spontanée.


Le matin arriva bien vite. Invoquant une réplique de lui-même à l’aube, il la laissa raccompagner les chevaux au village alors qu’il regardait froidement la Chûnin. Le problème ne venait pas tant du fait qu’ils avaient chevauché toute une journée mais que leur but était de progresser au sein du village et elle ne prenait visiblement pas la mesure de cet objectif… S’il était arrivé quelque chose aux marchands et qu’ils auraient pu l’éviter, l’incident risquerait de leur retomber dessus.

- Si, je l’ai rencontré également. Il m’a affectée à une mission de protection… en plein cœur de Suna.

Je lui expliquai donc en quoi consistait la mission, les moyens qui avaient été dépensés pour cette dernière et ma réflexion sur le sujet, à savoir le questionnement sur l’intérêt d’envoyer autant de ninjas protéger un entrepôt au cœur de la base militaire. Un empereur qui n’inspire ni la crainte, ni le respect, ou qui, en tout cas, ne le pensait pas. Je venais d’arriver, j’avais déjà hâte de repartir.

Le lendemain, on se leva avec le soleil pour partir le plus tôt possible. Pendant qu’Hideki s’attelait à renvoyer les chevaux d’où ils venaient, en tirant une tronche de quinze mètres suite à mon annonce de faire le reste du voyage à dos de hibou (jamais content, lui, c’est incroyable), je m’affairais à ranger le camp. Il ne nous fallut que quelques minutes pour se regrouper. Je me mordis le doigt et invoquai un grand hibou sur lequel nous pouvions facilement être deux. L’animal s’inclina poliment et assez gauchement au vu de son envergure.

- Princesse. Cela fait un moment.
- Salut Hairia. Comment vont les autres ?
- Mieux, mais encore blessés. Iji ne peut toujours pas voler.

Après quelques banalités, Hideki et moi chevauchâmes le volatile qui s’envola aussitôt dans la direction que je lui indiquai. En plus d’être plus confortable et d’être plus rapide, le vent permettait presque à ce voyage d’être agréable. On finit par arriver en milieu d’après-midi à l’endroit indiqué, vide. Hairia disparut, nous laissant seuls avec le sable. Une espèce de gorge se trouvait à quelques dizaines de mètres, et on s’accordait pour y aller.

L’entrée de la gorge était spacieuse, et semblait rétrécir au fur et à mesure, tel un goulet d’étranglement.

- Regarde.

Un peu plus sur le côté, une espèce de caisse bâchée était couchée. Je m’en approchais, en inspectant le contenu et les indices qu’on pourrait y découvrir. Une espèce de bon de livraison était collée sur le côté, avec écrit : « Sunagakure no Satô, Kaze no Kuni ». Pas de doute, c’était une des marchandises à destination de Suna.

- Je suppose que c’est par là.

Je regardais en direction du fond de la gorge assez sombre malgré le grand soleil. Je n’étais cependant pas stupide : la caisse était assez en évidence, et surtout seule et absolument pas abîmée. Quiconque l’avait mise là voulait qu’on la trouve. C’était chose faite.

Approuvant du chef alors que sa nièce regardait de manière sceptique la cargaison intacte, l’Aburame sans mot dire partagea son analyse : ils n’étaient plus très loin. Ne restait qu’à découvrir ce qui les attendait au bout du chemin. Pratiquant quelques mudras lentement pour canaliser son chakra sans risquer des irritations inutiles, l’Aburame leva ses deux bras pour en laisser sortir des milliers de petits insectes qui s’engouffrèrent dans le canyon et ses environs.

- Fais attention, si acculés, ils ont peut-être installé des pièges.

Vigilant alors que ses créatures récoltaient les informations dont ils avaient besoin, il ouvrit la marche, Shirahime sur ses talons. L’endroit était parfait pour une embuscade. Depuis les hauteurs mais aussi directement à l’intérieur de la gorge. Mais les talents défensifs du duo était très probablement plus que suffisants.

Accueillant dans sa paume quelques-uns de ses insectes qui revenaient à lui, il les observa un instant, semblant communiquer avec alors qu’il les laissait à nouveau s’envoler.

- Une dizaine de personnes un peu plus loin, reste à savoir s’il s’agit de nos marchands. Certains semblent blessés au vu de l’odeur de sang.

Continuant d’avancer alors que ses insectes les prévénaient d’une présence iminente, ils finirent par faire face sans surprise à une charrette renversée pour leur barrer la route derrière laquelle trois personnes attendaient armes levées.

- N’approchez pas d’avantage ! Qui êtes-vous ?
- Aburame Hideki et Akamori no Shirahime. Chunins de Suna, nous avons été dépêchés suite à votre signal de détresse.

Levant bandeau dans une main et parchemin de mission dans l’autre, il regarda les trois têtes se lever alors qu’on lui faisait signe de s’approcher. Tendant ses deux preuves à la femme au teint mat assez costaude qui les avait apostrophé, celle-ci initialement sceptique poussa un long soupir de soulagement avant d’arborer un sourire timide et forcé.

- Ichibi soit loué. Enfin vous voilà. En chemin pour Tsuchi no Han, nous avons été attaqués le soir alors que nous commencions à monter notre camp pour la soirée non loin par une énorme créature qui est soudainement sortie du sable.

Les invitant à la suivre, ceux-ci tombèrent sur le regroupement de réfugiés ressenti juste avant. Plusieurs d’entre eux étaient alités sur des couvertures étendues rapidement alors que d’autres présentaient des marques d’écorchures.

- Kaito et Jinmin, deux de nos gardes ont essayé de repousser la créature le temps pour nous de nous permettre de nous enfuir et de trouver refuge dans cette ravine. Au vu de sa taille, nous nous disions qu’elle ne pourrait pas nous y poursuivre mais nous nous sommes ainsi enfermés à l’intérieur et au vu de l’état de certains des nôtres, tenter une échappée risquerait de leur être fatal… Mais … si vous avez pu arriver ici, cela voudrait-il dire que la créature est partie ?

Craquant pensivement son auriculaire alors qu’il jaugeait la situation et au loin l’état des blessés, le brun se tourna vers l’albinos.

- Impossible de vous le confirmer pour le moment… Nous sommes venus à vol d’oiseau...

J’avais beau passé mes journées depuis plusieurs années à côtoyer cet homme, ce truc là avec les insectes, c’était toujours aussi dégueulasse. Plissant du nez alors que ces bestioles sortaient de ses manches, je restai cependant muette, connaissant l’efficacité de ses techniques entomofaunes. Les résultats ne se firent que très peu attendre, puisqu’après une petite discussion avec ses insectes (quoi de plus normal ?), il fut en mesure de nous donner de nombreuses informations.

On avança alors prudemment, jusqu’à tomber sur une espèce de muraille de fortune derrière laquelle se trouvait trois personnes qui nous menaçaient. Je plissai les yeux, pendant qu’Hideki négociait. J’observai les alentours, les bras croisés : rien d’inhabituel à signaler. La vallée semblait calme, les longues parois en pierre du gouffre protégeant des vents et des menaces mais nous privaient de vision et nous rendaient vulnérables à des embuscades. On fut tout de même emmener un peu plus loin, dans un campement de fortune où de nombreuses personnes étaient allités, des blessures sur le corps.

- Je vais inspecter rapidement les environs.

J’avais soufflé ces mots tout bas à Hideki qui recueillait les informations et je m’éloignais en regardant un peu partout autour de moi. Une bête immense qui les avait attaqués, hein ? Si ce qu’ils disaient était vrai, même de là où nous étions, on aurait dû voir les traces d’une attaque, des trous et des crevasses. S’ils s’étaient réfugiés ici, les traces de la poursuite auraient dû être plus visibles. Et surtout…

Quelques minutes plus tard, je revins au camp pendant que l’Aburame continuait sa discussion. J’attendis qu’il termina sa phrase puis j’adressai un grand sourire à ce qui semblait être la cheffe du camp.

- Au vu de l’heure, je pense qu’il est inutile de s’aventurer à nouveau dans le désert. On attendra ici et mon coéquipier examinera les blessures des vôtres et tentera d’apaiser leur douleur. On partira à l’aube.

Je fis un signe de tête à Hideki après qu’ils aient acquiescé. Nous isolant légèrement, je perdis mon sourire et recroisai les bras.

- On doit faire des tours de garde cette nuit. Rien ne va dans leur histoire. S’ils ont été attaqués de nuit, il n’y avait aucune raison de prendre toute leur marchandise. S’ils ont été attaqués, les traces de l’attaque auraient dû être visibles. S’ils ont été attaqués par une créature souterraine, se réfugier dans un gouffre n’a aucun intérêt. Et, surtout…

Je me tournai vers le camp où ils s’affairaient tous à monter des tentes avec des espèces de grands morceaux de tissu miteux.

- Tu connais beaucoup de gens qui se méfient d’humains venus à leur rencontre alors qu'ils ont demandé de l'aide et quand leur ennemi, c’est visiblement une grosse créature ? Ils se sont protégés contre des Hommes, pas contre des bêtes.