Saigo no Sōhei

Les balades en pleine forêt, en voilà une activité relaxante ! Pour plusieurs raisons, d'ailleurs. Premièrement... il n'y a que très peu de monde à croiser, voire personne. Ce qui est un plus pour profiter dans son entièreté d'une escapade bucolique. Et, deuxièmement, les insectes pullulent dans le coin. Si cet aspect n'est un point négatif que pour Tetsuya, au moins, c'est une raison de plus pour les autres de ne pas trop s'attarder dans le coin. Les gens sont dégoûtés par les petites bestioles, mais elle parlent au Jonin, et celui-ci ressent une profonde satisfaction à chaque fois qu'elles l'accompagnent au grand air. Quoi de mieux, vraiment ?

La journée était idéale, qui plus est. Un lendemain de pluie, un ciel dégagé, une  brise légère et la rosée déposée sur les brins d'herbe qui venait rafraîchir les pieds de Tetsuya, nonobstant les bandages et les tabis les entourant. Il aimait prendre de grandes enjambées, laisser le kimono flotter au vent car à vrai dire, au delà du champ de bataille et autres besognes ninja, ces moments étaient un vrai exutoire pour lui. Pour lui, et pour d'autres apparemment, ce que le Jonin ne manquerait pas d'apprendre bien vite.

"Raconte..."

Un Bikōchū venait de se poser sur son cou. L'insecte à l'odorat sur-développé était venu retrouver son maître au pas de course, rejetant phéromones qui sentaient fort la panique. A l'écoute, Tetsuya comprit bien vite, et se sentit allégé du poids de l'inquiétude qui l'avait gagné alors que l'insecte senseur avait déboulé à toute vitesse, volant à tire d'ailes. Si les insectes peuvent faire l'objet d'une telle façon de parler. Pas d'ennemis, pas de complot, rien de tout ça. Par contre, à priori, un jeune garçon était aux prises avec un nid d'insectes, quelques pas plus loin, avec un nid d'insecte. Un acte anodin pour un humain, un incompréhensible génocide à l'échelle des insectes.

D'un pas rapide, mais l'esprit léger, Tetsuya couvrit les quelques dizaines de mètres qui le séparaient de la scène de crime. Après tout, il faut croire en la présomption d'innocence. Peut-être des fourmis rouges qui détruisaient les colonies alentours, peut être des scorpions qui menaçaient d'autres enfants ou des personnes âgées... Oui ! Sûrement, il faut avoir confiance en nos nouvelles générations, ils sont les précurseurs, la relè...

"Misère."

Un nid d'insecte inoffensifs. Et rares. Et utiles, capitaux même, au bon fonctionnement et au maintien de l'écosystème local, étant endémiques de Kirigakure no Sato. Et ce nid, dans la terre au pied d'un arbre, essuyait les assauts répétés d'un jeune de quinze ans au maximum, avec des cheveux bleus hérissés. Les nerfs en pelote, Tetsuya prit le temps d'analyser la situation, voire s'il ne s'était pas trompé sur son compte... mais non, aucune excuses pour ce jeune, visiblement Genin. C'est horrifié que le jeune Aburame s'approcha dans le plus grand des silences pour s'arrêter un pas de lui, dans son dos redressé de toute sa taille. Qui était assez conséquente, en fait, et accentuée par la taille haute de son pantalon et sa posture bien droite. Sa voix grave interrompit les bruits de la terre battue par les pieds du jeune garçon.

"Dis moi... tu veux bien cesser immédiatement, puis m'expliquer ce que tu fais au juste ?"

Kasai avait été dérangé en plein entraînement. Une bande de morveux braillards, désagréables. Il avait enduré en silence leur supplice auditif, avant de craquer. D’un pas décidé, le Genin s’était dirigé vers le groupe, avant de saisir la tête du plus petit. Le chef de bande est rarement le plus grand et le plus fort contrairement aux apparences. C’est plutôt le plus chétif, celui à qui la vie a apprit à user de sa tête plutôt que des muscles dont il est dépourvu. Et ensuite son intellect lui conseille de s’entourer des gros bras stupides. Bref, vu la vivacité d’esprit de celui qu’il venait de chopper, il avait touché le jackpot. Le groupe avait enfin acquis un silence solennel. Le Hōzuki en profita pour bien faire passer son message.

▬ Si j’en entends encore un l’ouvrir, je vous noie, c’est bien clair ?

Sur ce il liquéfia sa main mimant des gouttes se faufilant dans les narines et la bouche de sa petite victime. Apparemment, c’était effectivement fluide dans l’esprit des trouble faits. Sur ce, Kasai libéra sa petite proie et retourna à son entraînement. C’est pendant ses étirements qu’il remarqua une première ombre se dessiner devant lui, puis une multitude d’autres. Suicidaires. Ils étaient suicidaires. La troupe voulait en découdre, au lieu de quoi ils allaient prendre la raclée de leur vie. Car Kasai n’était pas patient, et n’aimait pas les gosses. Mais leurs paroles furent surprenantes. Bien assez pour qu’il en resta par terre, la tête sur le côté.

▬ Toi t’es assez fort, c’est sûr !

Pour ? Le Genin ramena ses jambes vers lui lentement, avant de se redresser d’un bond pour fixer les gueulards. Dans un brouhaha insupportable, ils lui expliquèrent la raison de leur acharnement. Kasai distingua quelques mots à l’arrache, plus intrigué cette fois qu’agacé. Des insectes. Un nid. Une menace. Un des garçons avaient été piqué et gonflait méchamment. Du venin. Donc, les petits rebelles venaient déranger un shinobi en plein exercice pour venger leur camarade ennuyé par … une bestiole. Septique, le Hōzuki s’avança pour examiner la victime de plus près. Il lui releva le menton et constata la blessure. Un bouton surplombant une partie effectivement très gonflée, et un unique petit trou en son centre. Avec quelque chose à l’intérieur. Infime, minuscule, bien enfoncé. Kasai sortit du fil deux kunai de sa sacoche, les morveux frémirent. Sans crier gare, le pleurnichard tenta de prendre ses jambes à son cou, le Genin le rattrapa par les cheveux.

▬ Si tu bouges, tu perds ta gorge.

Approchant les deux lames lentement, il coinça la petite aiguille pour la sortir de son trou. Un dard. Les gamins disaient vrais. Il libéra le morveux et conseilla à deux de ses camarades de l’emmener en urgence auprès d’un soigneur. Quant aux autres …

▬ Il est où votre nid de redoutables bestioles ?

Kasai fut traîné jusque dans la forêt, puis les gamins lui montrèrent le nid à distance. Visiblement la blessure de leur compagnon les avait suffisamment effrayé pour la journée. Kasai les renvoya chez eux, et étudia le nid à distance. Au sol. Peu commun pour des insectes volatiles. Car il avait bien fallu se hisser jusqu’à la gorge de l’enfant. Pourtant quand il approcha, il n’eut aucune résistance. Le Hōzuki envisagea les possibilités. Noyer le nid restait le plus simple, encore que s’il s’agissait d’insectes volants comme il le pensait … Ce manque de réaction le laissait profondément perplexe aussi se mit-il à taper sur le nid. Au même moment, un intru vint le tirer de son labeur. La question le surprit tout autant que le nid.

▬ Des gamins sont venus me prévenir que ces insectes avaient attaqués l’un d’entre eux. Le mioche en question avait une belle piqûre, bien gonflée, avec ceci à l’intérieur.

Pourquoi il avait conservé le dard, Kasai n’aurait su dire. De même qu’il ignorait pourquoi il racontait sa vie à cet inconnu.

▬ Vous vous y connaissez ?

Evidemment. Quelqu’un de banal aurait passé son chemin sans se soucier de la situation du Genin, le prenant au pire pour un fou. Le nid se mit à grouiller, et Kasai fit un pas en arrière. A aucun moment il n’avait soupçonné l’implication d’une simple bestiole comme une guêpe ou un frelon. De même qu’il n’avait pas suspecté une réaction allergique. Pourquoi étaient-ils venus le faire chier lui ?

Les insectes composent, à eux seuls, plus de la moitié de toute la biodiversité de notre monde, et plus de trois quarts de la biodiversité animale seulement. De ce fait, il semblait impensable pour Tetsuya que quelqu'un, qui plus est un shinobi se devant de connaître son environnement immédiat, ignore tout de ceux-ci. Jusqu'aux bases les plus simples en fait, puisque apparemment les Genins de Kirigakure ne savent pas reconnaître une simple piqûre de guêpe, ni les symptômes d'une infection quand ceux-ci se montrent à eux.

"Oui, on peut dire ça comme ça. Le dard que tu tiens...

En plein milieu de sa phrase, le nid se mit à s'éveiller. Ils avaient senti la présence du Aburame, qui s'accroupit devant le nid alors que le jeune garçon à ses côtés reculait devant l'activité grouillante et soudaine. Plantant son doigt en plein milieu du nid pour envoyer des signaux calmants aux insectes l'habitant, il ne prit même pas la peine de se retourner pour continuer la discussion, se fixant simplement sur le nid, heureux de voir qu'il était arrivé à temps.

... est un dard d'abeilles. Le spécimen qui vit dans ce nid est inoffensif, rare, et très utile à la pollinisation, donc les abeilles veillent sur eux. Ce qui veut dire qu'une abeille est morte pour rien, et que l'enfant qui t'a appelé a l'aide a sûrement du se montrer trop bruyant dans les parages. Une mauvaise réaction est également vite arrivée, de nature allergique notamment."

Se redressant enfin, Tetsuya en profita pour s'étirer précautionneusement, prenant en compte la présence du Genin à ses côtés pour éviter un contact malencontreux. Décidément, il fallait qu'il se penche sur cet antidote. Quoi qu'il en soit, si son explication sur la présence de l'abeille était tout à fait valable, et la plus plausible, une autre possibilité demeurait. Le Jonin se méfiait particulièrement des abeilles, et ce malgré leur nature paisible, à cause d'un clan en particulier. Les Kamizuru, qui d'après les dires de ses parents à l'époque où ils se côtoyaient encore, ne pouvaient pas être considérés comme des alliés. Loin de là, d'ailleurs.

Plissant les yeux alors qu'il faisait enfin face au jeune homme, il l'examina de haut en bas. Bien, une tête à claque. Un dur à cuire, peut-être. Qui n'avait pas l'air ravi de trouver de la compagnie en cette heure, en ce lieu.

"Bien, maintenant tu as fait la connaissance des abeilles, et des nids de Bikōchū, tu peux me dire qui tu es, et ce que tu faisais par là ? Tu n'as pas un Jonin en charge, une escouade avec qui faire des missions ?"

Peut-être qu'il s’entraînait, ceci dit. Les shinobis qui s'entraînaient seuls, en général, étaient toujours un peu particuliers. Plus talentueux, plus d'attentes, ou bien plus de choses à prouver, plus de retard à rattraper. De quel camp fait partie celui-ci ?

Ce type, il était louche. Si Kasai avait pu passer pour un malade à danser sur le nid, lui n’était pas mieux à y planter son doigt. Le Hōzuki grimaça à l’idée de la suite. Imaginez qu’il se mette à bouffer les bestioles accompagné un “hum, plein de protéines !”. Eurk. Il se reconcentra aussitôt. Un dard d’abeille, l’idée ne l’avait pas effleuré. D’autant que les insectes … si Kasai ne s’intéressait à aucun animal, ce n’était pas pour prêter attention aux plus petits d’entre eux. Ses bestioles sont généralement perçues comme des parasites, des choses gênantes. Alors à quoi bon y accorder de l’importance ? Pourtant le Genin était curieux. De tout. Tout le temps. Donc puisque son interlocuteur observait le nid, il en fit de même, se penchant légèrement et appuyant ses bras sur ses genoux. “Inoffensif” et “rare”. Mince.

▬ Ah. J’ai tué des civils.

C’était une façon de voir les choses. Kasai s’en serait presque excusé auprès de la populace naine. Il ne prêtait plus attention à son interlocuteur, trop concentré sur l’espèce de fourmilière. Bikōchū. Jamais le Hōzuki ne s’en souviendrait. Il attrapa un petit bout de bois sur lequel s’agrippa l’un des insectes. Il était vraiment étrange.

▬ Kasai, du clan Hōzuki.

Le Genin avait dit ça presque machinalement, comme si révéler son identité à n’importe qui n’avait pas la moindre importance. Pour l’instant c’était la petite bestiole qui l’intéressait réellement. Mais elle ne bougeait pas. Elle se s’agitait pas. Ne paniquait pas. Elle restait figée. Donc Kasai se lassa et la reposa parmi ses semblables, avant de se recentrer sur son interlocuteur. Il en avait oublié de répondre à la suite.

▬ Je m’entraînais un peu plus loin, et les morveux m’ont dérangé. Je n’aime pas beaucoup le bruit, donc je suis venu pour qu’ils me lâchent. Quand à mon équipe, je suis en transition.

C’était étrange présenté comme ça. Le Mizukage l’avait assigné à un Hyōketsu, mais l’alchimie n’avait pas prise. Pas du tout même. Tant par le côté humain que par leur incapacité à se faire confiance : Kasai n’osait pas user de ses capacités de peur d’être congelé par l’autre abruti. Le Quatrième l’avait convoqué, et avait accédé à son désir de changer d’équipe. En attendant, il patientait. S’il posait des questions aussi précises, Kasai se risqua à imaginer qu’il avait affaire à un autre shinobi de la brume. Sûrement plus expérimenté que lui, vu son âge.

▬ Et vous ? Vous êtes de l’unité médicale, ou de recherche peut-être ?

Il n’y avait qu’un malade de ces unités-là pour s’intéresser autant aux insectes. Car ce n’était pas un citoyen lambda de Kiri qui était capable d’identifier les espèces d’insecte d’un coup d’oeil. En particulier des “rares”. Si c’était un membre de l’équipe de soins, peut-être que Kasai pourrait gratter quelques leçons. Auquel cas, c’était toujours intéressant de découvrir de nouveaux de Kirijin.

Des civils...quelle curieuse manière d'envisager les choses. Mais dans les grandes lignes, c'était ça, Tetsuya était donc assez satisfait de la réaction du Genin, qui semblait quand même curieux et ouvert d'esprit. Il mentionnait également une transition, ce qui était une manœuvre plutôt rare au sein de l'administration shinobi, et de l'entraînement, donc le Jonin en déduit qu'il avait à faire à un Genin consciencieux et soucieux de bien faire ainsi que d'être bien formé. Un terrain propice à la discussion donc, ça aurait pu être pire. Balayant les particules de terre humide qui demeuraient sur son doigt, il sourit poliment à son interlocuteur.

"Enchanté, Kasai Hōzuki. Je suis Tetsuya Aburame. Quant à mon appartenance à l'unité de recherche, ou au corps médical, la réponse est non même si je les côtoie régulièrement pour des travaux personnels. Je suis simplement un Jonin du village, et j'aime le silence aussi, d'où ma présence en ces bois."

Le clan Hōzuki... la liquéfaction, donc. Intéressant. Vu que rien n'était prévu au programme de Tetsuya, il se figura bien vite qu'il pouvait éventuellement aiguiller le jeune Kasai au cours de son entraînement, ou non. Peu importe, il lui proposerait et attendrait sa réaction. Il n'avait pas non plus oublié la brève, mais intense attention que le Genin avait porté aux insectes, aussi se décida-t-il à lui donner un peu plus d'informations à propos de ses précieux alliés. Il tendit le doigt, quelques secondes avant qu'un spécimen de belle taille ne vienne se poser dessus, puis le brandit à mi-chemin entre le jeune homme et lui même, lui donnant ainsi tout le loisir de regarder l'insecte de plus près.

"C'est lui qui m'a prévenu. Il avait peur pour ses congénères. Vois-tu, les Bikōchū ont un incroyable sens de l'odorat. Plus développé que celui de n'importe quel animal que je connaisse, même le meilleur des chiens de chasse."

Comme pour opiner du chef, l'insecte remua son organe olfactif, qui était en tout point semblable à une trompe.

"Donc il a senti son habitat se faire attaquer, et les phéromones d'alerte relâchées par les autres résidents du nid, et il m'a prévenu. Tout comme il sent, et me prévient maintenant, de tous les flux de personnes dans ce bois. On a placé le nid ici parce que l'espèce doit se développer dans un environnement tranquille, donc il est normal qu'un d'entre eux prévienne un Aburame si par exemple un groupe d'hommes bruyant était localisé à quelques centaines de mètres à l'Est de notre position actuelle. Ils ne passeront sûrement pas ici."

Restait à voir si cette dernière phrase s'adressait à lui même, comme une pensée formulée à voix haute, à l'insecte pour le rassurer, ou à Kasai, pour la discussion.

"Alors comme ça tu t’entraînais...fort bien, c'est capital et même moi à mon rang je continue, chaque jour, peut-être un peu plus dernièrement. Un shinobi doit savoir se diversifier... La liquéfaction, c'est ça votre spécialité, si je ne m'abuse? Si tu veux même bien je peux jeter un oeil, et t'aiguiller si le besoin s'en fait sentir."

Prenant son mal en patience, Tetsuya revint s'accroupir dans l'herbe, remettant l'insecte dans son habitat naturel, et attendant sa réponse. Que ce soit oui ou non, voilà qui allait au moins pimenter son après-midi.

Un Jonin, encore. Celui-ci n’avait rien à voir avec le Borgne hautain ou le colosse désagréable. Kasai s’étonnait de rencontrer tant de ninja supérieurs, et si peu de Genin. Mais au moins celui-ci semblait-il équilibré et même sympathique. Son nom lui tourna dans la tête un certain temps. Il ne lui était pas inconnu, et pourtant présentement “Aburame” sonnait creux dans l’esprit de l’Hōzuki. Les travaux évoqués le titillèrent davantage que son appellation. Finalement tout fut balayé lorsqu’un énorme insecte vint se poser sur le doigt de son interlocuteur, comme une scène répétée des centaines de fois. A croire que tout avait été planifié. C’était étonnant. Puisque l’Aburame semblait décidé à lui exposer la bestiole, Kasai s’approcha sans grande méfiance pour observer l’insecte. Un messager de la taille d’un ongle ? Original.

Le gamin ne savait même pas quoi répondre, tant l’organisation de ces animaux le laissait pantois. Tout un réseau qu’il n’aurait jamais soupçonné, à l’apparence si innocente en étant finalement redoutable. Voilà comment Tetsuya avait grimpé les échellons si vite ! Car il semblait bien jeune pour un shinobi de rang supérieur. Il s’imagina combattre à ses côtés. Les adversaires riraient de ses méthodes, tandis que lui les écraserait d’un simple mot. Mourir étouffer par une masse d’insectes. Se faire repérer en une seconde par une guêpe. Se faire piéger par une multitude d’araignées. Cette compétence laissait des possibilités infinies, et pas toujours agréables à visualiser.

▬ Vous devez être impitoyable sur un champ de bataille … c’est une sacrée capacité que vous avez là ! Désolé pour ta maison.

Kasai jugeait utile de présenter à nouveau ses excuses au petit messager de la mort. Il ne faudrait pas qu’il motive ses copains pour le ronger jusqu’à l’os. Ronger. Chien de chasse. Insecte. Aburame. Enfin, les pensées se liaient pour l’amener sur le résultat qu’il n’arrivait pas à afficher depuis toute à l’heure.

▬ Aburame, c’est un clan originaire de Konoha, non ? Comme l’Hokage qui a décidé de raser son village ?

Ca dépote. La bouche grande ouverte, prête à gober les mouches, Kasai prenait encore plus conscience du danger d’un tel pouvoir.

▬ Ma mère est Inuzuka. C’est amusant.

Non pas vraiment. Le Hōzuki ignorait pourquoi il avait jugé utile de préciser la chose, mais c’était fait. Kasai n’était pas certain que le groupe annoncé fut réel. Ou qu’il ait servi d’exemple. En tout cas désormais, il saurait faire barrage pour protéger les … ah, voilà nom déjà oublié. Le Genin hésita. S’entraîner en compagnie d’un Jonin, c’était risqué de réveiller ses pulsions psychopathes. Puisque c’était visiblement indispensable pour passer de grade dans ce village de fou. Mais Tetsuya semblait réellement différent de ce qu’il avait croisé jusque là, plus paisible, plus sain d’esprit. Alors Kasai réfléchit un instant. Il venait juste de finir son échauffement, encore qu’avec cette histoire ses muscles avaient dû refroidir. Puisque l’Aburame voulait voir de la liquéfaction, il lui en donnerait un petit échantillon. Rétribution pour les informations données.

▬ Et … hop !

Après une courte concentration son bras trouva la fluidité et les propriétés de l’eau. Il n’était pas si rouillé finalement. Rien de très impressionnant mais il espérait que ça contenterait son interlocuteur. Et accessoirement que ses bestioles ne le prendraient pas pour une buvette gratuite.

"Je suppose que tu pourrais de tout Jonin qu'il est redoutable, tu sais. Tout est une question de perspective."

Tetsuya préférait éviter de mentionner la caractéristique particulière qui était la source des ségrégations qu'il avait subi de la part des autres membres du Clan qu'il connaissait, majoritairement ses parents. Les réactions étaient toujours déplacées, que ce soit une peur non fondée (après tout il avait appris à être précautionneux), ou une fascination gênante, il ne préférait révéler son secret qu'à très peu de gens. Jamais lors d'un affrontement n'avait-il eu besoin de lâcher les rennes, donc à part ses géniteurs et quelques très hauts placés du village, il ne voyait pas comment quiconque pourrait être au courant. A lui, donc, d'éviter les maladresses. Et justement...

"Oui, de Konoha, comme le clan de ta mère. Pour ce qui est du Hokage... tu comprendras qu'il fait la honte de beaucoup de membres de mon Clan, mais puisque je suis sensé avoir un rôle de guide envers les Genins, il faut que tu saches qu'il était détenteur d'un jutsu spécifique à notre Clan. Il est caché, il est même taboo, aussi feu le Shodaime Hokage fait-il plus figure d'exception. De nos jours, beaucoup d'Aburame essayent de faire comme s'il n'avait jamais existé, ou comme s'il avait été renié de l'histoire commune de la famille, d'un commun accord. Je préfère que les gens se fassent leurs propres idées, et qu'ils prennent en compte le désespoir d'un homme et d'un shinobi puissant comme cause de ses actions."

Souriant de manière bienveillante, il regarda d'un œil attentif le jeune Hōzuki faire sa démonstration. Quelle technique, dans un environnement comme le village caché de la pluie, et même le Pays de l'Eau tout entier, quoi de plus évident qu'une famille pouvant faire totale symbiose avec l'élément dominant ? Sous la remarque du jeune homme, il demanda aux insectes les plus aventureux de respecter le Genin et de ne pas aller le boire effectivement.

Puis, amusé, se demanda s'il n'avait liquéfié que son bras par soucis de temps, après tout c'était suffisant pour faire office de démonstration technique, cependant il était aussi possible qu'il soit limité... quoi de mieux que de le titiller, dans ce cas, pour le pousser à faire de son entraînement un moment rentable. Trop d'erreurs d'entraînement où les sujets ne se poussaient pas à l'extrême faisaient d'eux des shinobis stagnants.

[color=#d2b2e5][b][i]"Mais dit moi... si tu es fils d'Inuzuka, tu n'as pas un chien avec toi ? Enfin, si tu as pris plutôt du côté Hōzuki ça serait normal que tu ne connaisses que la liquéfaction. Un bras entier, c'est ton maximum ?"

Trop occupé par son petit jeu, Tetsuya en avait oublié deux choses. D'abord, un des insectes les plus téméraires s'était soustrait à sa vigilance, et baignait dans l'eau. Ce n'est seulement après quelques minutes que sa présence frappa Tetsuya, qui le rappela à l'ordre immédiatement. Deuxièmement, le groupe de personne dont il avait noté la présence plus tôt semblait se diriger vers eux, et en plus de ne pas le savoir, il ne connaissait pas non plus leurs intentions.

Kasai n’était pas tout à fait du même avis. Avec ses dernières rencontres, il lui semblait que le critère “dangereux sociopathe” soit privilégié aux compétences. Et dans tous les cas, le Genin aurait parié cher que Tetsuya se situait tout de même une classe au-dessus. Contrairement aux autres Jonin qu’il avait eut le plaisir de côtoyer, Tetsuya n’était pas avare de paroles. Kasai prit bien note du point de vu de l’Aburame, reconsidérant la situation de l’Hokage et les répercussions que son choix avait pu avoir sur le reste du clan. S’il acceptait de croire que certains des manipulateurs d’insectes tentent d’oublier cet incident, le Genin peinait à imaginer qu’aucun n’avait travaillé pour tenter de reproduire ce chaos. Une arme si dévastatrice ne peut être ignorée par les militaires, c’est certain. Tous sont en quête de pouvoir, les jeux diplomatiques sont un passe-temps naturel chez les shinobis. Alors oublier à la fois le personnage et le jutsu qui peut apporter la renommée, la crainte et le respect … Les mots de Tetsuya n’allaient pas en ce sens, mais ils ne dénigraient pas non plus cette possibilité.

Le gamin observa l’un des insectes venir s’écraser dans son bras. Il avait l’habitude des poings traversant son corps aqueux. Des cailloux aussi, à chaque fois qu’il tombait étant gamin. Éventuellement des projectiles. Mais un insecte, c’était une première. Kasai eut une drôle de sensation, alors que cet élément n’aurait pas dû stimuler ses sens. Sa réaction était sûrement davantage liée au visuel qu’au cognitif sensoriel. Imaginez-vous avec un cafard dans le ventre et vous visualiserez. Heureusement l’Aburame le rappela rapidement à l’ordre, mais l’incident avait laissé le Hōzuki songeur. Si bien qu’il prit du temps à répondre.

▬ Je n’ai hélas pas hérité des dons de ma mère, contrairement aux attentes de mon père. Un mariage pour rien.

Il haussa les épaules. Au fond le couple n’était pas malheureux. Mais l’Hōzuki père avait financé un mariage arrangé pour des prunes.

▬ Je ne m’entends pas tellement avec les animaux en général, même. A part le ninken de ma mère, qui prétend que j’ai mauvais caractère mais que m’être agréable reste son devoir. Et pour ça, je m’entraîne à étendre ma liquéfaction à tout mon corps, pour l’instant c’est assez instable et ça reste relativement compliqué.

Kasai n’aurait pas su l’expliquer. Il n’avait jamais eu à s’exercer pour manifester son don héréditaire : déjà tout petit son corps prenait tout seul des mesures pour éviter qu’il ne se blesse. En revanche il avait dû apprendre à le dompter, pour ne pas fondre en flaque à la moindre émotion. En grandissant le Hōzuki avait réussi à s’empêcher de fondre à toute occasion, mais cette bride lui rendait la transformation complète moins accessible. Il n’avait jamais compris pourquoi, contrairement à son paternel qui ne cessait de lui répéter que c’était normal. Alors il se contentait de s’entraîner. Solidifiant à nouveau son bras, le gamin liquéfia cette fois une jambe, puis un doigt, simplement pour montrer à l’Aburame que la case “partielle” était bien maîtrisée. Après tout, il n’avait pas été avare en informations, autant lui rendre la monnaie de sa pièce.

Le Hōzuki repéra un mouvement derrière les arbres. Une présence qui s’approchait silencieusement depuis un bon moment maintenant, mais que le Genin n’avait pas remarqué. Ils émergèrent des fourrées. Trois. Trois types à l’allure assez peu amicale. L’un d’entre eux avança une somme plutôt conséquente.

▬ Pour le premier paiement. Débarrasse-nous du type en question et les Chiens seront généreux.

Le gamin ouvrit grand les yeux, perplexe. Apparemment ils s’adressaient à l’Aburame. Des copains à lui ? Drôles de fréquentations, Kasai n’avait rien compris. Puis l’un des membres du trio le pointa du doigt, le sien étant toujours à l’état aqueux.

▬ Gaichuu, on s’est planté merde ! C’est pas le bon gars !

Le regard du supposé leader s’abaissa sur le bras de Kasai, où trônait fièrement son bandeau. Sans crier gare, le dernier de la bande lui envoya une contrefaçon de kunai au visage. Le Genin eut à peine le temps de l’esquiver. Les “Chiens” ? Les clebards d’Akuto ? Ces restants d’eau croupie qui jouent les caïds dans le secteur Nord ? C’était bien sa veine ! Toujours dans le doute, Kasai se contenta d’extraire le projectile et d’observer Tetsuya, pas certain de la marche à suivre.